Mémoire vive / Côté professionnel

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De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

vendredi 17 juin 2011

Et là, tu lis quoi ?


Le généalogiste n'est pas toujours un paléographe émérite... loin s’en faut !
Il peut passer des heures à tenter de déchiffrer l'écriture pattedemouchetique d'un officier d'état civil qui, dans le meilleur des cas, forme ses « a » comme ses « e » et dans le pire, se contente de faire des taches d'encre qui laisseraient perplexe Rorschach lui-même !
Lorsque après des heures de recherches et de recoupements, on finit par trouver le registre paroissial qui, on en est persuadé, détient entre ses pages moisies la réponse à une quête parfois entamée plusieurs années auparavant… et qu'on tombe sur ça : 




… franchement à la première lecture, on se désespère. On a beau plisser les yeux, agrandir l'image, la contraster ou jouer sur la luminosité, rien n’y fait. Puis on aperçoit ça et là des mots qui rassurent tels que "mariage", "bénédiction" : il s'agit bien d'un acte de mariage. Petit à petit, l'œil s'habitue, prend possession de l'espace, apprivoise l'écriture, distingue les lettres des taches d'encre, les isole puis les identifie une par une. C'est un véritable puzzle : les lettres deviennent mots, les mots phrases, et progressivement le sens apparaît. L'acte révèle enfin son contenu.
On poursuit ses recherches, de registre en registre, d'acte en acte, on remonte le temps et on arrive à ça :



Le premier réflexe est de refermer le registre. C'est quoi cette écriture ? Le déchiffrage va être long ! Cependant, on ne peut s'empêcher de penser à ce curé qui a bien répertorié, les uns à la suite des autres, les baptêmes, les mariages et les sépultures de sa paroisse, témoin privilégié des instants clé de la vie d'une personne et de manière plus générale d'une commune. Je ne sais pas s'il a pu penser que son écriture nous parviendrait des siècles plus tard (en l’occurrence nous sommes en 1582), mais me voilà bien embêtée devant ces formes qui se veulent être des lettres, et ces assemblages qui se veulent être des mots. Le pire ce sont  les noms propres : comment être certain qu'il s'agisse de la bonne personne ?
D'abord la date. Très vite on comprend que le chiffre indiquant le jour est écrit en romain : on lit alors "19" ; par élimination, on déduit "juillet", même si la dernière lettre s'apparente plus à un "z" qu'à un "t" ; quant à l'année, on a l'indication grâce à la couverture du registre : 1582. Puis on se lance : "fut baptisé Johan François, fils de Guillom François et de Johanne Gilloz". Le reste est un peu plus aléatoire : on décrypte les mots "parrain" et "marraine" formules que l’on retrouve sur un acte de baptême ; les noms qui suivent sont en revanche sujets à de nombreuses interprétations...

Et encore, il y a pire...



Là c'est l'horreur, l’angoisse, le stress, on se dit que ce n'est ni du français, ni du latin, rien qui ne ressemble à un alphabet connu... et quand on ne parvient plus à deviner, on appelle à l'aide !

Comme tous les généalogistes n'ont pas la chance de pouvoir suivre le prestigieux cursus de l'école des Chartres, Internet vient à l’aide de ceux qui s’empêtrent dans des écritures venues d’une autre époque. De nombreux cercles de généalogie proposent des services de paléographie. Il existe également des forums où des généalogistes donnent leur avis sur ce qu'ils déchiffrent. Sur son site Internet, le Guide de généalogie donne une information très complète sur le sujet et des adresses vers qui se diriger.

Les tracés, les pleins et déliés, les taches d'encre ; impossible de ne pas visualiser la main et au-delà, la personne qui tient la plume ; son travail lui a survécu et nous parvient. On peut certes pester contre l'illisibilité des mots et des noms propres, mais quel témoignage ! Quand le passé prend la forme de lettres, de cursives...

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