Mémoire vive / Côté professionnel

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De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

jeudi 27 septembre 2018

La chasse aux aïeux

Il s'appelle Louis. Il est né en Dordogne en avril 1815. Il est le fils de Jean et d'Antoinette.
Il se marie une première fois en 1844, devient veuf, se remarie en 1847 avec la soeur cadette de sa première épouse, redevient veuf et se remarie une dernière fois en 1852.

Dans ses différents actes de mariage, il est mentioné qu'il ne peut produire son acte de naissance mais dispose d'un acte de notoriété établi par le juge de paix où il est précisé son lieu et sa date de naissance.

AD 24

Déjà les registres de sa communue natale n'étaient probablement pas accessibles ; il est même précisé dans ces 3 actes de mariage, qu'il ne connait pas ses aïeux : le nom de ses parents figurent mais il n'est pas en mesure de citer le nom de ses grands-parents. Son frère qui est son témoin ne le peut non plus.

AD 24

Son acte de décès datant de 1902 ne mentionne pas sa date de naissance.

Voila ce qui amène mon client : en savoir davantage sur sa 5ème génération, les parents de Louis et si possible remonter une génération supplémentaire. La chasse peut commencer.

Comme je l'ai précisé plus haut, il n'y a aucun registre d'état civil de la commune de naissance disponibles entre 1805 et 1830. 25 années manquantes qui auraient été fort utile. Mais il y a les recensements (à partir de 1836) et les tables décennales malgré l'absence des registres.

La recherche va débuter par un examen des différents documents disponibles et s'étendre à la fratrie.
Pour pimenter l'aventure, les frères, oncles et descendants portent quasiment tous le prénom - peu répandu il est vrai - de Jean. Le risque d'homonymie est grand et les vérifications via les épouses compliquées par le fait des veuvages et remariages. Ainsi l'individu marié ou veuf au moment du mariage de son fils peut avoir changé d'épouse au moment de son décès. Ce qui n'est pas trop difficile quand les dates et les filiations sont mentionnées et bien établies, devient incertain quand les dates ne corroborent pas les faits. Sans parler des changements de prénom  : né "Jean" peut mourir "Pierre", histoire de se démarquer de son père, de son frère décédé et/ou de son fils ou de son neveu...
Bref, on prend une grande inspiration et on démêle la pelote ; les cauchemars du généalogiste décrit par Sophie Boudarel dans ses derniers billets semblent se concentrer sur un seul cas !

Dans le recensement de 1836, je trouve un Jean reconnu comme chef du ménage : il est marié, père de deux enfants (dont un petit Jean) ; son père, Jean, vit avec eux ; il est fait mention de deux autres frères vivant avec eux : Pierre et Jean... mais pas de trace de Louis.

Le problème a été de savoir s'il s'agissait bien de la famille de Louis ; grâce au nom de l'épouse du premier fils, mentionnée dans le recensement, je trouve leur acte de mariage célébré dans une commune voisine. La filiation du marié est établie et me voila en présence du frère aîné de Louis, né dans une commune différente de celle où il réside et où il sera plus tard recensé. On présume une histoire de terre, de partage, d'héritage. Le lieu dit où la famille est recensée dépend d'une commune mais n'est pas très éloignée de nombreuses autres. J'ai oublié de préciser que le terrain de jeux ne m'est pas inconnu ; je suis sur la terre de mes ancêtres maternels , dans cette partie du Périgord noir où l'habitat est assez éclaté, les communes nombreuses.



En consultant les sites de généalogie en ligne, j'ai pu identifier la présence de membres de cette famille dans différents villages avoisinants ; vu leur taille et leur population, l'examen des tables décennales ne sera pas trop long.

Je vais commencer par ceux dont les noms me parlent, que j'ai du traverser enfant,où se trouvent ou se trouvaient des oncles et cousins de ma mère. Des souvenirs de fermes aux pierres ocres et aux toits de lauze me reviennent. Je revois ces grands-oncles et grandes-tantes âgés, nous accueillant, nous les parisiens, parlant un mélange de français et de patois, chaleureux et affectueux et ne nous laissant repartir que les bras chargés de conserves, d’œufs frais et de cagettes de fruits. Le tout après un festin de produits régionaux.

crédit photo : mairie de Saint-Geniès

Mon esprit voguait au gré de ces souvenirs plein de soleil pendant que je tournais les pages (virtuellement) de ces tables décennales. Et puis, la chance, l'inspiration, - appelez ça comme vous voulez- m'ont fait tomber sur le mariage des parents de Louis où figuraient les noms de ses grands-parents.

Tout en apprenant à mon client le nom de ces ancêtres manquants, j'avais l'impression de m'adresser à Louis et ses frères et de leur délivrer presque 200 ans après le nom de leurs aïeux.



lundi 2 juillet 2018

Trente jours de généalogie - Quatrième semaine et derniers jours

Je vais commencer par répondre à la question posée le dernier jour "Pourquoi la généalogie ? " La généalogie c'est le plaisir de la recherche, c'est la sensation du voyage immobile au fil des pages que l'on tourne, c'est appréhender l'histoire à taille humaine et se rendre compte que nos ancêtres étaient faits de chair et d'os, qu'ils ont vécu, aimé, enfanté, travaillé et qu'au final ils sont beaucoup plus proches de nous que nous le pensons. D'ailleurs le coté enquête de la recherche généalogique fait de moi une Miss Marple qui aurait laissé les doigts dans la prise, (jour 23), une passeuse d'histoires sensible et enthousiaste. Mes carnets sont plein de gribouillis de couleurs, mes doigts plein d'encre (jour 26), mes pensées et mes idées prennent forme un crayon à la main.



Le joie de la découverte et la joie de présenter ses recherches, se résume parfaitement dans cette chanson de Boby Lapointe, véritable hymne à la généalogie  (jour 25).


La question du nom et du métier (jour 22 ) me fait chercher dans deux branches différentes de mon arbre ; détour par la branche maternelle pour le nom de jeune fille de ma grand-mère : Chanteloube que je trouve si chantant à mon oreille et qui a suscité des réactions sur Twitter : des Chanteloube dans les Cévennes et en Haute-Loire.  Le métier choisi me ramène sur mes terres morvandelles avec mon ancêtre directeur de la poste aux lettres dont j'ai déja évoqué l'histoire dans ce billet.



Généalogiste professionnelle, je ne consacre pas forcément le peu de temps libre (jour 24) que j'ai à ma généalogie personnelle, mes recherches familiales en souffrent quelque peu : les cordonniers restent définitivement les plus mal chaussés... Cependant la lecture (jour 29) reste un goût acquis de longue date, de cette période de l'enfance où temps libre rimait avec ennui... "Les disparus" de Daniel Mendelsohn est le livre le plus intéressant et bouleversant que j'ai lu ces dernières années ; le récit d'une longue (en)quête sur les destins tragiques d'une partie de la famille de l'auteur restée en Pologne livrée à la barbarie nazie, et une grande réflexion sur ce que sont les liens familiaux, les choix de chacun, les trajectoires de vies ; un grand livre.


Les objets (jour 27) du passé sont autant de vecteurs de mémoire : un bijou, une médaille, une étoffe... Pour ma part il s'agit d'un chapelet que j'ai reçu d'une cousine germaine de ma grand-mère, très pieuse,  37 ans après qu'elle ait pris la décision de me l'offrir. Ce cadeau du passé a beaucoup de valeur pour moi ; il est l'encouragement venu d'outre-tombe à ne pas laisser tomber les recherches et à continuer de transmettre l'histoire de notre famille. Cette vieille cousine, que je n'ai vu qu'une seule fois enfant, a été la première archiviste de notre famille : elle a annoté des faire-part, ajouté des commentaires en bas de certains papiers, révélant en quelques mots les circonstances exactes du décès d'un ancêtre, circonstances tragiques qui sans elle seraient restées dans les tréfonds de l'oubli.


Toute cette histoire de transmission et de passage de relais fait l'objet de ce billet.

Enfin pour terminer, je formulerai un voeu, un souhait qui traduit une envie folle (jour 28), traverser l'Atlantique en direction de l'Argentine et aller à la rencontre de mes cousins, que je ne connais que par le biais des réseaux sociaux. Envie de parler avec eux des vivants et des morts, partager, refaire le monde et notre histoire familiale.

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Le défi généalogie 30  m'a fait passer un agréable mois de juin et m'a permis de renouer avec le plaisir de la réflexion, de l'écriture et de la publication à intervalle régulier sur le blog. Plaisir de lire et d'échanger avec les autres participants par le biais des réseaux sociaux : susciter des réactions, ouvrir des pistes, entrer en résonance ; plaisir enfin de revenir sur les articles publiés et se rendre compte que ce qui était vrai et pertinent à une époque donnée l'est demeuré ; c'est une constance qui rassure et dresse de moi un portrait fidèle ; la généalogie à travers ses recherches, son exigence, sa patience, me renvoie en miroir ce que je suis et ce que j'aime. D'en avoir fait ma profession, m'apparait après 8 ans d'exercice toujours une bonne idée, un choix évident. 

jeudi 21 juin 2018

Trente jours de généalogie - troisième semaine

Le jeu continue... cette semaine il a été question de ruches, d'outils, de cousinage, de grandeur, d'albums photos, d'insolite et de document préféré.
Tous ces thèmes contribuent à donner une vision impressioniste de notre rapport à la généalogie ; touche après touche, le tableau prend forme.

D'abord de jolies ruches (jour 15) repérées sur les signatures qui figurent sur les actes attirent l'oeil avisé du chercheur qui voit là une jolie conclusion des pattes de mouches qu'il vient de tenter de déchiffrer  ;



Les miennes sont l'oeuvre d'un curé et d'un maire et viennent se poser comme point d'orgue à la lecture de l'acte.  Cette décoration que l'on peut retrouver à la suite de certaines signature ne figure pas sur l'acte de naissance de l'ancêtre de l'une de mes clientes, rédigé et signé par mon propre ancêtre, maire et médecin du village. Ce cette découverte insolite (jour 20) est relatée dans cet article du blog au titre emprunté à Paul Eluard "Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous". 


Le partage sur le blog et les réseaux sociaux apportent outre leurs commentaires et soutiens (toujours les bienvenus) des retours parfois étonnants : des cousins (jour 18) parfois de l'autre bout du monde prennent contact et donnent des nouvelles récentes du passé et viennent compléter les blancs d'une histoire familiale oubliée ou méconnue. C'est une véritable gratification, une récompense pour toutes ces heures passées avec mes carnets et mes crayons, mes outils de prédilection (jour 19), à prendre des notes, poser des hypothèses, à faire des retranscriptions, des schémas. 

crédit photo : Anne Dardaud

En complément de ces carnets, il y a les albums photos (jour 17)  : aussi bien ceux qui de ma famille sont en ma possession et qui sont les illustrations et marqueurs temporels, que les albums que je réalise pour mes clients. C'est toujours un privilège que d'entrer par ce biais dans l'histoire des personnes que l'on ne connait pas, de découvrir des visages, d'écouter et de noter les histoires de ces personnes et enfin d'agencer le tout sous forme de livre afin de mieux les partager. C'est une autre façon de faire de la généalogie.

Livres réalisés par Mémoire vive


Cette photo aurait pu figurer parmi d'autres dans un vieil album. Il n'en est rien, car dans cette branche, aux origines modestes, il n'y a quasiment pas de photos. Si ce n'est celle-ci : mes arrière-grands-parents maternels, le jour de leur mariage en 1897 et dont l'histoire est racontée ici.

crédit photo : famille Valéry
J'ai pour eux une affection anachronique ; très grande (jour16) est mon admiration pour cette petite dame au visage doux, qui a mis au monde huit enfants dont deux fois des jumeaux (dont mon grand-père), dans une petite ferme d'une seule pièce en Corrèze, à la toute fin du 19e et au tout début du 20e. Ils déménageront ensuite en Dordogne.

J'aurais pu proposer cette photo comme le document à présenter en ce jour 21. Mais à la réflexion, j'ai préféré choisir cette photo qui est le véritable document sur lequel j'ai bati une partie de ma généalogie.
crédit photo : famille Jourda
Trois générations en ligne directe : la dame assise est mon sosa 93 ; elle est née avant la révolution ; à ses côtés son fils, mon sosa 46, et au dessus-d'elle sa petite fille , mon sosa 23 et son époux mon sosa 22. Cette phto a été prise vers 1860, très certainement à Paris.

Le défi généalogie 30 se poursuit toute la semaine qui vient. Vous pouvez me retrouver ainsi que les nombreux autres participants sur les réseaux sociaux, et plus particulièrement sur Twitter avec le mot dièse #genealogie30. Sinon rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle synthèse!