Mémoire vive / Côté professionnel

Mémoire vive / Côté professionnel
De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

lundi 5 décembre 2016

Sept ans de réflexion

Quelques mois après la naissance de mon site Internet de généalogiste professionnelle Mémoire vive - études généalogiques et familiales en février 2010,  j'ai ressenti le besoin de compléter mon travail de recherche et de transmission de la mémoire familiale, par la création d'un blog afin de partager, réfléchir et poursuivre par d'autres moyens les conversations qui se déclenchaient dès que je prononçais autour de moi le mot "généalogie". Le premier billet de Mémoire vive - coté blog a été publié en décembre 2010 et s'intitulait "Naissance d'un blog".

L'idée d'alors qui prévaut toujours était de rentrer en résonnance avec les autres, d'aller du personnel (en l'occurence mes expèriences et mes réflexions) à l'universel. Les débuts ont été modestes et les premiers billets trouvent leur inspiration dans mon histoire familiale et mes premières recherches. Quatorze billets en 2011 à la fréquence d'un par mois. Dix-sept billets en 2012 et quarante-sept en 2013, année de la première édition du Challenge AZ puis redescente à trente-quatre en 2014, chute vertigineuse et premiers doutes en 2015 avec sept billets et remontée à trente (celui-ci inclus) en 2016.

A la naissance du Blog est venue s'ajouter la création de mon compte Twitter et la découverte d'une communauté de généalogistes qui sévissait sur les réseaux sociaux et qui partageait, articles, expèriences, méthodes avec beaucoup de bienveillance, d'humour et de générosité. Je sortais enfin de l'isolement qui est souvent le revers de la médaille d'une activité libérale et solitaire. Une vraie bouffée d'oxygène et le sentiment d'appartenance à une communauté, certes par l'intermédiaire d'un écran, mais bien réelle au demeurant.

Les "généablogueurs" se sont depuis multipliés, le challenge AZ a fait des émules et ce monde de la généalogie connectée est devenu très dynamique.

L'année qui vient de s'écouler a été particulièrement difficile sur le plan familial suite au décès de mon père en décembre dernier. Même si mon blog est toujours visité, si mes articles sont lus, il me manquera toujours un lecteur. J'avoue que le travail d'écriture m'est devenu pénible, l'inspiration est devenue rare, et une troisième participation au Challenge AZ en juin dernier a tarit sa source. Les recherches ne sont hélas pas toujours faites d'anecdotes étonnantes, ou de rencontres inédites. La confidentialité à laquelle je suis tenue envers mes clients m'interdit de partager certaines découvertes et révélations qui pourraient cependant faire de bons billets.

Sept ans âge de raison ? Je ne sais pas si cela peut s'appliquer pour un blog, mais il est certain que le temps est venu pour moi de le renouveler, aussi bien dans sa forme que de son fond et ce sera le chantier du mois de janvier. D'ailleurs, toutes les idées et les suggestions sont bonnes...

A suivre donc, je vous donne rendez-vous en 2017 et si vous êtes en panne d'idées cadeaux pour les fêtes venez faire un tour sur le site de Mémoire vive !



mercredi 13 juillet 2016

Un cadeau du passé

Lors du dernier Challenge AZ, j'ai rédigé un billet qui retraçait l'histoire des soeurs Marie et Marguerite, les cousines germaines de ma grand-mère.

Quelques semaines après sa parution, ma tante me disait avoir retrouvé dans ses papiers une partie de la correspondance qu'elle entretenait avec Marie, alors dame âgée et retirée du monde dans une institution catholique en Saône-et-Loire.
Dans l'une de ces missives datée de juin 1979, elle évoque la venue prochaine de ma tante, avant celle de mes parents, qu'elle désigne sous le nom des "Philippe" (prénom de mon père). Elle profitera de sa visite pour lui confier à mon intention "la petite Anne Elisabeth" son chapelet.


Ma tante est effectivement passée la voir en ce début d'été 1979, a bien reçu le présent et puis le temps passant a oublié de me le remettre. Je n'avais pas encore huit ans, et un chapelet n'était pas forcément digne d'intéret pour un enfant de cet âge. Cependant, elle l'avait gardé dans ses affaires.

Puis trente-sept années plus tard, ma tante m'a remis la lettre et ce présent. 


Je ne peux m'empêcher d'y voir un symbole, un cadeau d'outre-tombe de la part de celle qui pendant de longues années a été la gardienne de l'histoire familiale. Elle avait annoté certains faire-part d'anecdotes ou encore de détails plus tragiques. Elle était très croyante et pratiquante, comme pouvait l'être une femme de son époque, élevée dans la religion et demeurée célibataire tout au long de son exsistence. Elle devait y trouver un certain réconfort après le décès prématuré de sa soeur aimée Marguerite, puis la disparition de ses parents. Peut-être aussi le moyen pour elle de donner un sens à toutes ces épreuves. 

Je suis profondément touchée par cet objet, non pas par sa dimension religieuse, me considérant agnostique, mais pour sa valeur affective et symbolique. Elle a du recevoir ce chapelet comme le veut la tradition lors de sa communion solennelle, de la part de ses parrain-marraine. Elle l'a conservé, s'en est servi lors des offices religieux, lors de ses moments de recueillement. Il y a quelque chose de très personnel lié à ses pensées les plus intimes. 

En le recevant aujourd'hui, je reçois aussi sa bénédiction, son approbation quant aux recherches familiales que je mène depuis quelques années maintenant, mais aussi une forme de remerciement pour ne pas l'avoir oubliée, elle, sa soeur et ses parents, cette branche familiale disparue sans descendance directe. Je me sens très honorée.

Photo de Marie (à droite) et sa soeur Marguerite
© Jourda


jeudi 30 juin 2016

Z comme Zarafa

Je termine cette nouvelle édition du Challenge AZ avec celle qui est à l'origine de ma vocation et de ma découverte de la généalogie, la douce et élégante Zarafa.


Mes premières recherches généalogiques se sont portées sur la famille de mon mari, et c'est ainsi que nous avons pu refaire connaissance avec Gabriel Dardaud, frère aîné de l'arrière-grand-père de mes enfants, dont nous connaissions déjà l'existence ainsi que sa grande carrière de journaliste. Il y avait aussi quelques photos anciennes, où il pose avec ses frères. On savait que les parents de ces garçons étaient décédés prématurément (voir le billet F comme Flore ) avant la première guerre et que les enfants avaient été séparés. Voilà le point de départ de nos recherches qui devaient nous emmener loin, dans le temps et l'espace, et notamment sur les rives du Nil.

© Dardaud

Gabriel Dardaud était journaliste et correspondant de guerre, directeur de l’agence France-Presse pour le Moyen-Orient et envoyé permanent pour différents médias de la presse écrite et radiophonique. Il  a exhumé cette histoire des archives de la bibliothèque nationale du Caire où il demeurait. Il entreprit alors de relater cette véritable épopée qui allait mener ce girafeau, baptisé Zarafa, de son Soudan natal où l’animal avait été capturé, jusqu’en France.

Le livre de Gabriel Dardaud  "Une girafe pour le roi" est publié  pour la première fois en 1985. Il a été réédité en 2007, préfacé et annoté par Olivier Lebleu, spécialiste de la girafe, lui même auteur du superbe livre "Les avatars de Zarafa", sur l'incroyable girafomania, que suscita l'arrivée de la première girafe sur le sol français.




Outre la girafe, véritable héroïne de ce récit, Gabriel Dardaud met en scène un roi français, Charles X,  frère de Louis XVI et de  Louis XVIII à qui il vient de succéder ; un pacha, musulman albanais d'origine, Mohammed Ali, vassal du sultan de Constantinople dont il cherche à s'émanciper et à obtenir un jour l'indépendance de l'Egypte ; un diplomate piémontais, Bernardino Drovetti,  représentant de  la France pendant près de 25 ans auprès du Pacha, à qui il va souffler l'idée de ce fabuleux cadeau ; un scientifique éminent et vieillissant en la personne de Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, qui n'hésitera pas à payer de sa personne en allant lui même chercher la girafe à Marseille et en l'accompagnant, à pied, jusqu'à Paris.




On rencontre également un palefrenier avisé, le « Saïs » Hassan, qui va prendre grand soin de ce précieux chargement ; deux jeunes soudanais, Atis et Youssef, également du voyage pour accompagner et aider l'animal à s'acclimater. Un couple d’antilopes et trois vaches, dont le précieux lait permettra de nourrir et de maintenir en bonne santé le jeune animal, complètent ce cortège insolite, placé, le temps de la traversée de la méditerranée, sous la surveillance de militaires de haut rang.

Tous ces protagonistes apportent à ce récit historique une touche de romanesque, sur fond de géopolitique, donnant un instantané des relations internationales et de ses enjeux dans cette première moitié du XIXe siècle. Nous avons là un éclairage inédit d'une période de l'histoire mal connue.

Quant à son auteur, Gabriel Dardaud, Olivier Lebleu retrace dans la préface du livre sa vie et son œuvre et nous décrit, dans ces premières pages, un homme à l'histoire tout aussi passionnante. Grand témoin du siècle dernier, de ses contractions et de ses évolutions, spécialiste du Moyen-Orient où il aura passé la majeure partie de sa vie, nous nous trouvons en présence d'un homme doté d'une personnalité remarquable. La mise en perspective de sa propre confrontation à l'histoire et le récit étonnant qu'il nous offre, donne au livre une dimension particulière, absente de la première édition.

Une rencontre avec une girafe et un homme, tous deux aux destins hors du commun, voici une première recherche qui plaçait ma carrière débutante sous les meilleurs auspices...



mardi 28 juin 2016

X comme XIIIe arrondissement

La mairie du XIIIe arrondissement de Paris, située Place d'Italie est pour moi un lieu
important : les actes de naissance de mes enfants se trouvent à l'état civil, ainsi que l'acte de décès de mon père. Avis aux générations futures de généalogistes qui se pencheront sur l'étude de notre famille, la mairie du XIIIe est une bonne adresse.

Il y a quelques temps maintenant, à l'occasion du mariage d'un couple d'amis, j'ai découvert l'expression "mariés à la mairie du XIIIème. Voila qui avait de quoi intriguer la généalogiste que je suis mais également l'habitante de cet arrondissement parisien.


Cette expression remonte à l'époque où Paris ne comptait que douze arrondissements. Elle se disait des couples qui justement n'étaient pas mariés et qui vivaient en concubinage, ce qui était plutôt mal vu des âmes bien-pensantes et des honnêtes gens. Autres temps, autres mœurs, et à chaque époque ses débats, ses clivages et sa conception du couple.



C'est par la loi du 16 juin 1859, sous l'impulsion du baron Haussmann, que Paris va s'agrandir et intégrer non seulement des nouveaux quartiers, mais aussi annexer des communes (Grenelle - Vaugirard - Bercy - Charonne - Belleville - La Villette - La Chapelle - Montmartre - Les Batignolles - Passy et Auteuil).

Dessin Louis Bony

Dans un premier temps, dans le projet haussmannien , la mairie du treizième arrondissement devait se situer dans l'actuel seizième arrondissement, formé par les anciennes communes de Passy et Auteuil.

Mais en raison de cette "mauvaise" réputation, peut-être aussi par superstition - le 13 n'est-il pas en France censé porter malheur ? - de nombreuses personnes influentes ont refusé l’installation de la mairie du XIIIe arrondissement à cet endroit.

Ainsi fut créé le système de numération en escargot qui est toujours en vigueur à Paris : les quartiers bourgeois de l'ouest parisien bénéficiant d'une numérotation moins connotée, laissant le nombre 13 et ses significations aux quartiers plutôt défavorisés du sud de la capitale.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5523577z

L'expression est désormais tombée en désuétude, mais elle reflète bien une réalité à la fois sociétale et géographique, qui fait le sel des recherches généalogiques.



lundi 27 juin 2016

W comme Walter William Wilhelmine Wendy

J'ai bien regardé. J'ai examiné attentivement toutes les branches de l'arbre, tous les dos des photos et je n'ai aucun prénom commençant par la lettre W.

©Anne Dardaud

Les prénoms font la joie des généalogistes, surtout lorsque que l'on remonte assez loin et que les actes de baptême sont les seuls documents dont nous disposons pour nous assurer de l'identité de l'ancêtre recherché. On frôle parfois le nervous breakdown quand, entre l'acte de naissance (ou de baptême) l'acte de mariage et l'acte de décès, l'ordre des prénoms change (ce qui là est gérable), quand un prénom saute (là encore c'est un moindre mal) ou bien encore lorsqu'un ancêtre a décidé de se prénommer autrement ; la date de naissance permet de certifier l'identité, mais quand même : on aimerait bien lui dire deux mots ainsi qu'à l'officier d'état civil ou le curé qui s'est montré un peu léger sur ce coup-là.

Traditionnellement on donnait à l'enfant qui venait de naître le prénom de son père ou de sa mère, ou encore de son parrain ou de sa marraine, ou enfin d'un parent aimé dont on chérissait le souvenir. On trouve ainsi des générations de Joseph, de Pierre et de Charles, dont la position dans l'ordre des prénoms varie en fonction de leur degré de parenté. Coté femme, Marie, quelle que soit sa position, détient le record du prénom le plus donné : rien que dans ma branche : Prune Marie, Isabelle Marie, Mireille, Marie-Claude, Anne-Marie, Marie, Marie Louise. On parle de tradition : la mère donne la vie, le père le nom, mais qui donne le prénom ?

Parfois, le hasard fait bien les choses et inscrit le nouveau né dans une longue lignée : ainsi, mon fils que nous avons prénommé Léonard par goût propre, (tout lui accolant les prénoms de deux de ses arrières-grands parents : Paul et Alfred), et ce bien avant de débuter des recherches généalogiques, s'est avéré être le descendant en ligne directe de trois Léonard et de deux Léonarde, vivant dans la région de Limoges au 18e et 19e siècles. Voila qui plaçait mes débuts en généalogie sous les meilleurs auspices.

©Groot et Turk

A plusieurs reprises, j'ai rencontré des personnes qui avaient donné à leur enfant le prénom d'un frère ou une soeur défunt : ainsi Germaine est venue combler l'absence de la soeur jumelle de sa mère, disparue quelques jours après sa naissance ; même chose pour Gabriel, premier né de Paul-Henri, qui le nomme ainsi en mémoire de son frère aîné disparu très tôt.  Il y a aussi Pierre, cinquième d'une fratrie, et baptisé ainsi en remplacement d'un frère mort également en bas âge. Enfant de remplacement, prénom de remplacement à des époques où les naissances étaient nombreuses et la mortalité infantile élevée. On ne transmet pas que le prénom, mais également une partie de l'histoire de la personne qui le portait. Parfois lorsque cette histoire est particulièrement dramatique, cet héritage constitue un véritable fardeau pour la personne ainsi prénommée.


©Anne Dardaud
Il y a aussi les ancêtres facétieux : j'en connais un qui avait reçu lors de sa naissance les prénoms de Joseph Pierre, et qui à son tour a appelé son fils Pierre Joseph, tout en se faisant appeler lui même Auguste. Il a fallu du  temps pour comprendre de qui il était question dans les courriers et papiers retrouvés. Idem pour ces femmes baptisées Marie et que l'on retrouve sous d'autres sobriquets : ainsi Marie Louise enterrée sous le nom d'Elise... Mais elle n'est pas la seule : François sous le nom de Michel, Pierre sous le nom de Léon... de quoi mettre une belle pagaille dans les pierres tombales ! Quant à Juliette Flore, on n'a jamais su comment elle s'était faite réellement appelée tout au long de sa vie, les actes d'état civil n'ont jamais établi un ordre certain. Dans ces changements de prénoms, on sent toute la volonté de la personne de se différencier soit de son père, soit de ses frères et soeurs : on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas son nom de famille, mais il demeure un espace de liberté relative qu'est le prénom, soit en préférant son deuxième ou troisième prénom, soit en se rebaptisant d'un nom qui convient davantage à ses goûts. On s'affranchit du choix de ses parents. Mais c'est un véritable casse-tête pour le généalogiste qui n'a pas toujours les moyens de faire la connexion entre le prénom inscrit à l'état civil et celui que s'est attribué l'ancêtre récalcitrant.

Il y a ceux qui font preuve d'originalité, voire de modernité, en donnant à leur enfant des prénoms peu communs. J'ai rencontré Palmyre, Euphrasie, Euphémie, Danton, Scholastique, Euger, Axidonie, Omerine, qui venaient égayer les litanies de Pierre, Marie, Jean, Louise, Catherine etc. Quelle histoire a présidé le choix d'une telle originalité ? On pourrait penser de prime abord à une tradition familiale ou une particularité régionale ; or ce n'est que rarement le cas : ils sont uniques et jamais repris par le reste des descendants. Ce sont des pépites que le généalogiste est heureux de trouver, au même titre qu'une profession qui sort de l'ordinaire. Ces originalités mettent en lumière certaines branches de l'arbre généalogique, attirent l'attention sur certains ancêtres et contribuent à leur mémoire.


Enfin, il y a ceux qui par leur prénom apportent leur histoire et l'histoire de leur pays d'origine, en contribuant ainsi à un formidable brassage des cultures : les arbres qui sont enracinés dans des régions françaises depuis de nombreuses générations, voient apparaître dans leurs branches, au gré des époques, des guerres, des vagues migratoires, des bouleversements économiques et historiques, des prénoms aux consonances nouvelles : Esteban, Eugenio, Mersedeh, Antonio, Leila, Everard, Giuseppe, Driss, John... Les terres se mélangent, les nouvelles branches apportent de nouvelles pousses, fortes de la diversité de leurs origines.

samedi 25 juin 2016

V comme Vaincu

La rédition de l'Allemagne en novembre 1918 a donné naissance à une génération de jeunes hommes qui ont été élevés dans le culte de la victoire et dans la glorification de l'armée française.
Lorsque le second conflit mondial éclate et que cette armée française est défaite en quelques semaines, c'est la stupéfaction. 

Mon grand-père Alfred, dont j'ai à plusieurs reprises dressé le portrait et celui de sa famille, était militaire de carrière ; il s'était engagé après son service militaire et était diplômé de l'école des sous-officiers de Saint-Maixent.

©Jourda

A l'orée de la guerre, il est marié, père de deux enfants, un troisième s'annonce. Il vit à Nevers avec sa famille et son ordonnance. Il est alors capitaine.

La guerre est déclarée en septembre 1939, mais les premiers combats ne commencent vraiment qu'en juin 1940. Son épouse, enceinte et ses enfants s'installent à Lormes, chez sa belle-mère.

Alfred est sur le front, mais il ne le restera pas longtemps : il est capturé le 16 juin 1940. J'imagine son état de sidération à l'instar du reste de la France, qui vivait encore du souvenir de la victoire de 1918, qui se croyait bien à l'abri derrière la ligne Maginot, qui ne se doutait pas que les forces allemandes reprendraient le même chemin qu'en 1914 pour entrer dans le pays. Le gouvernement et l'état major français n'étaient pas passés à l'ère moderne, aveuglés par leurs certitudes, sûrs de leur position de vainqueur.

Alfred est d'abord envoyé au Camp de Mailly, où il va y passer deux mois. Il peut correspondre avec sa famille, il demande qu'on lui envoie des vêtements et que l'on fasse faire par le boulanger de Lormes des pains de garde et des biscuits de soldat.

J'imagine le colis envoyé et la photo de famille faite à son intention qui est jointe à l'envoi.

©Jourda
En août 1940, il est envoyé à l'Oflag XIA, à Osterode, dans le secteur d’Hanovre où il demeure jusqu'en mai 1941. Puis, de mai 1941 à août 1942, il se retrouve à l'Oflag XD, situé à Fischbeck en Allemagne. Enfin, à partir de 1942, jusqu'à sa libération en 1945, il est détenu à l'Oflag XVIIA, à l'extrême est de l'Autriche.



Je ne sais que très peu de choses sur ses conditions de détention, sur sa vie quotidienne. Trouver de quoi manger était la première de ses préoccupations ; c'était un homme originaire du sud-ouest, avec des origines paysannes, amateur de bonne chère et qui n'avait jamais manqué de rien. Durant sa détention, il va perdre 30 kilos.

La deuxième de ses préoccupations était l'activité, tromper la faim en s'occupant. C'était un homme actif, habitué aussi bien aux travaux manuels qu'intellectuels. Là, en tant qu'officier-prisonnier, il n'a rien à faire.

Alors son occupation principale va être de recopier, page après page, un livre de recettes de cuisine, véritable supplice de tantale.


©Jourda

©Jourda

©Jourda

Parmi ses camarades de détention, certains mettent à profit leurs talents artistiques et font le portrait de leur co-détenus.

©Jourda
A son retour, Alfred ne racontera que peu de choses de ses quatre années de captivité. Il gardera cette habitude de trancher le pain de manière tellement régulière pour que chaque morceau ait exactement au gramme près, la même épaisseur.

Il reprend sa vie de militaire, la famille s'installe à Bourges. Il veut devenir instructeur, il continue d'étudier, il passe examen sur examen. Sa progression au sein de l'armée se poursuit. Il devrait devenir commandant.

Mais il est rentré malade de détention. Il souffre d'un diabète. En formation à l'école d'application du matériel à Fontainebleau, il décède d'un malaise diabétique le 8 novembre 1950.

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Jacques Tardi qui par le passé a relaté les atrocités de la première guerre et de la (sur)vie dans les tranchées, a sorti à la fin de l'année 2012, un ouvrage où il raconte la vie de prisonnier de son père René, à partir des souvenirs que celui-ci lui a confiés, à la fin de son existence.

C'est d'une grande précision. En le lisant, j'ai retrouvé les quelques éléments, les quelques bribes d'informations qui m'étaient parvenues par le filtre de mon père, qui lui même ne savait pas grand-chose des années de captivité de son propre père. La préface de l'ouvrage est remarquable et donne avec le recul plusieurs éléments d'explication du silence des prisonniers à leur retour : l'humiliation de la défaite, notamment au regard des anciens combattants "victorieux" de 14-18 ; la découverte et l'abomination des camps d'extermination, tragédie à laquelle ils n'ont pas voulu confronter leur propre captivité, par peur peut-être de paraître indécent. Et puis pour parler, il faut être écouter, et dans l'immédiate après-guerre, il n'y a de place que pour les récits de bravoure des résistants ; on enterre juin 40, la collaboration et avec eux la parole des prisonniers.

©Tardi

©Tardi
Et puis, il y a ce documentaire sur l'Oflag XVIIA, tourné à l'insu des gardes allemands par un groupe d'officiers français prisonniers. C'est le dernier camp où Alfred a été détenu à partir d'août 1942.



vendredi 24 juin 2016

U comme uniforme

Hier, les collégiens (dont mon fiston) qui passaient le brevet ont bûché sur un extrait de "Ceux de 14"  de Maurice Genevois  intitulé "La Boue". 
Après avoir rendu hommage hier à mon arrière-grand-père Jean, tué à l'ennemi, je voulais aujourd'hui revenir sur mon arrière-grand-oncle Louis, dont le portrait m'a toujours fasciné. Il a combattu, il en est revenu et sa fiche de matricule, récemment trouvée, m'a apporté nombre d'information sur cet ancêtre alors méconnu.

Crédit photo : Jourda

Il s'appelle Louis Rey. Il est le frère de Marie Rey qui par son mariage est devenue Marie Jourda, la mère de mon grand-père paternel.

J'ai fait la connaissance de Louis en trouvant dans l'ensemble des papiers et des photos de famille, ce cliché.

Voila un homme aux belles moustaches, à la fière posture qui pose en uniforme. Il semble robuste, cintré dans sa tenue de militaire. Les manches sont un peu juste en longueur et laissent apparaitre deux mains puissantes, des mains de travailleur de la terre. La photo a du être retaillée, certainement pour tenir dans un cadre : il manque quelques millimètres tout autour.

Au dos, il y a un texte. Il s'agit en fait d'une carte postale envoyée par un frère à sa sœur et son beau-frère. Elle est datée du 7 février 1915.


"Lunel, le 15 février 1915
Chère soeur et Beau frère
Ayant eu l'occasion avec des camarades de faire photographier l'autre dimanche, en les envoyant à la maison, je vous en envoie une ainsi qu'aux Pages ! Se ne sont que des cartes comme vous voyez mais aussi le prix n'est guère élevé, 5 sous chacunes. En même temps je vous fait part de mes nouvelles, je me porte toujours bien ; je désire de même chez vous à tous, je fais demander aussi un certificats qui a des permissions au sujets des tra(vaux) du printemps  : nous allons essayer (...) plus au dépôt on n'est pas (...)on réussira comme l'autre fois. je vous quitte en vous (...) Beau frère. Rey Louis."


C'est grâce à sa signature que j'ai pu l'identifier ; j'ai ainsi appris que mon arrière-grand-mère Marie avait un frère. Mon grand-père avait donc un oncle. Véritable découverte car peu d'éléments de cette branche de la famille nous étaient parvenus. En parcourant les tables décennales de la commune de Saint-Félix-Lauragais où est née sa sœur,  je trouve la mention d'un Louis Rey, né le 7 décembre 1873. Je retrouve l'acte qui me confirme la filiation : Louis est bien le fils de François et de Marie Tarrisses.



Je reste touchée par cette carte d'un soldat qui espère une permission pour revenir chez lui et s'occuper de ses terres. Elle montre un homme lié à sa famille : il a écrit aux siens mais grâce au coût modique de la carte, il a également envoyé de ses nouvelles aux Pagès, un lieu-dit non loin de Montmaur, où résident certainement une autre partie de sa famille, et à sa sœur et son mari, qui eux, résident à Soupex. Ce sont aussi des nouvelles d'un soldat se trouvant avec ses camarades dans un "dépôt", loin du front, et des tranchées, pour qui la guerre doit sembler encore, bien lointaine. Mais pour combien de temps ?

J'ai voulu en savoir davantage dans le parcours militaire de Louis, et j'ai trouvé il y a peu sa fiche de matricules. Je savais qu'il n'était pas mort au front, son nom ne figurant pas parmi ceux qui sont "morts pour la France".


La fiche de matricule nous apprend qu'il a été nommé "trompette" lors de son service militaire. Il a été renvoyé dans ses foyers en 1897 puis mobilisé en août 1914. Il arrive au corps en octobre 1914. Il est nommé brigadier en novembre 1915. Il passe au 116ème régiment d'artillerie le 29 juin 1917. Mais il est déclaré "inapte" durant deux mois pour "faiblesse, mauvais état général". Je n'ose imaginer ce que ce robuste gaillard a enduré pour que même l'armée le juge inapte pour deux mois. Par la suite la commission de réforme le laisse en sursis au titre "d'engreneur de battage" à Montmaur, et ce jusqu'en septembre 1918. Il est définitivement rendu à la vie civile à la fin de la guerre. Il a alors quarante-six ans.

Voila ce que je sais de Louis Rey. Ma recherche est partie d'une simple photo-carte postale. Ma quête n'est toujours pas finie ; pour le moment je n'ai pas d'éléments biographiques supplémentaires, mais je sais que le temps joue pour moi, et je sais être patiente.

jeudi 23 juin 2016

T comme Tué à l'ennemi

Voici Jean Chanteloube. C'est mon arrière-grand-père maternel.

Jean Chanteloube
crédit photo : Jourda-Valéry

Jean est né le 18 septembre 1889 à Rouffignac, en Dordogne. Il est le fils de Julien Chanteloube et de Marthe Salon. En 1909, il est cultivateur à Fleurac. En 1909, il est recensé pour faire son service militaire. Il est incorporé au 9ème régiment d'infanterie en octobre 1910 et deux ans après il est libéré.


Rendu à la vie civile, il rencontre Marie Dome, Elle est né le 15 mars 1891, elle est lingère. Ils se plaisent, se fiancent et se marient le 25 août 1913 à Montignac-sur-Vézère.

Marie Dome
crédit photo : Jourda-Valéry

Leur petite fille Jeanne, ma grand-mère nait le 26 juillet 1914, quatre jours avant que la guerre n'éclate.
Jean est alors rappelé, suite à l'ordre de mobilisation générale.

Dans la famille, on raconte qu'il a pu obtenir une permission pour venir voir sa femme et sa fille.
Une seule rencontre.
Le 30 septembre 1915, il est "tué à l'ennemi" au Bois Sabot, dans la Marne. Le récit de la bataille du Bois Sabot est racontée sur différents sites Internet, dont celui-ci .


Veuve, Marie part se placer comme lingère dans une grande famille de Bordeaux, où déjà son demi-frère Albert officie comme homme de chambre. La petite Jeanne est confiée aux bons soins de sa grand-mère maternelle, Annette.

Par la suite, la jeune veuve, lasse d'être séparée de sa fille, décide de rentrer à Montignac. Elle prend en gérance une épicerie rue de Juillet appelée "La Ruche". Elle travaille et élève sa fille. Puis, devenue grande, celle-ci viendra travailler avec elle. Les deux femmes ne se sont jamais quittées, même quand Jeanne s'est mariée et a eu à son tour des enfants. Marie est toujours restée auprès de sa fille, prenant soin de ses petits-enfants en grand-mère affectionnée, attentive, exemplaire. Elle décède en 1956.

Marie avec sa petite fille Mireille vers 1938
crédit photo : Jourda-Valéry

Elle est longtemps demeurée comme une figure de cette petite ville périgourdine. Elle ne s'est jamais remariée. Quant à ma grand-mère Jeanne, elle s'est éteinte en novembre 2010, à l'âge de 96 ans.

mercredi 22 juin 2016

S comme Soeur Anne

C'est grâce à la recherche généalogique et au détour d'un acte de décès et que j'ai rencontré mon homonyme - religieuse de son état. Elle était la soeur du grand-père de l'arrière-grand-père de mes enfants.

AD 92

Elle s'appelle Anne Dardaud. Elle est née à Limoges le 24 octobre 1835. Elle est la fille de Martial Dardaud et de Antoinette Rambaud. Deux après sa naissance, elle devient pour la première fois "soeur" ; sa mère met au monde un "petit frère" baptisé Pierre mais qui plus tard se fera appeler Léon.

La famille vit à Limoges. Le père exerce la profession de cordier. Plus tard son fils reprendra la même activité ; mais il quittera le Limousin pour venir s'installer d'abord à Montreuil, puis à Angerville, dans l'Essonne.

Pierre dit Léon Dardaud dans sa corderie;
crédit photo Dardaud
Quant à Anne, on la perd de vue ; c'est une oubliée de l'histoire familiale. Les générations suivantes ne connaissent pas son nom, ni son existence. Et là aussi, c'est par le biais de la recherche généalogique qu'on la retrouve, au détour d'un acte de décès. Elle est décédée à Clichy, le 31 mars 1905; elle était religieuse. La soeur de Pierre-dit-Léon est restée à l'état de "sœur" toute sa vie ; ni épouse, ni mère, ni tante. Elle aura consacrée toute sa vie à la religion.


mardi 21 juin 2016

R comme Res Publica ou le goût de la chose publique


crédit photo :  Jourda-Dardaud

Voici mon arrière-grand-père, Pierre-Joseph Grandioux, qui occupa la fonction de maire de Lormes, dans la Nièvre, de 1911 à 1925, puis de 1935 à 1936, l'année de son décès. Son père avant, lui Joseph -Pierre dit Auguste, avait occupé ce siège de 1894 à 1895, puis de 1896 à 1900.

Cette photo appartient à la mémoire collective de la famille. Elle a longtemps reposé dans un cadre au dessus de la cheminée du salon de la maison qu'il occupait avec sa femme et où se sont côtoyés et se côtoient toujours ses descendants directs, toutes générations confondues.
C'est une photo que l'on connaissait, mais que l'on ne regardait pas vraiment. Je ne sais pas qui l'a prise, mais j'aime ce portrait en noir et blanc, d'un homme à son bureau, remplissant la tâche pour laquelle il a été élu.

Renseignements pris auprès de son petit-fils, cette photo date de la fin de sa vie, entre 1935 et 1936. L'homme n'est pas très âgé, il n'a pas soixante ans. Il est souffrant, les traits tirés. Il porte costume, cravate et gilet : mais sous sa veste au niveau des ses mains, un pull en laine dépasse de ses faux-poignets. Il se protège du froid qu'il doit craindre, plus que de coutume.

On aperçoit sur le bureau le volumineux téléphone, des papiers, un calendrier, un encrier, un vide-poche, une règle... Derrière lui, une carte, probablement du canton, un calendrier de la poste sont accrochés au mur ; il y a aussi  un thermomètre, un porte manteau à plusieurs patères.

Et puis cette affiche d'Aristide Briand, punaisée au mur. Ce portrait comme une inspiration pour un homme qui a combattu lors de la première guerre, et dont le regard tourné vers la lumière est rempli d'inquiétude pour un avenir qui s'annonce à nouveau belliqueux. Inquiétude pour sa petite ville, sa région, sa nation : les élus locaux sont les élus les plus proches de leurs concitoyens, de leurs problèmes quotidiens. Comme nombre de maires en 1914, il a vu les hommes de sa ville partir à la guerre et beaucoup ne pas en revenir, allant mourir jeune, très loin de chez eux. Inquiétude également pour lui et les siens: il se sait malade et il lui reste encore beaucoup de choses à accomplir.

crédit photo : Jourda-Dardaud
Alors il travaille aux affaires de la commune, sous le regard d'Aristide Briand, pacifiste, prix Nobel de la paix qui voulait mettre la guerre "hors-la-loi". La phrase qui figure sous son nom : "tant que je serai où je suis, il n'y aura pas la guerre", sonne comme une promesse vainement tenue : Aristide Briand est décédé en 1932.

La photo de mon arrière-grand-père me renvoie à un autre cliché, illustre celui-ci : le portrait de Martin Luther King, par Henri Cartier-Bresson, où l'on voit un homme au travail, quelque peu écrasé par la masse considérable de choses à accomplir. D'un pacifiste à l'autre.

© Henri Cartier-Bresson





lundi 20 juin 2016

Q comme Quatre

Ils sont quatre, quatre enfants nés du mariage de Marie Franquet avec Lucien Cosset. Ils ont vu le jour entre 1904 et 1909. Leur père est libraire à Charleville. L'ainée, Germaine est l'arrière-grand-mère de mes enfants.

©Dardaud
Quand éclate la guerre en août 1914, Lucien s'engage, malgré ses 37 ans et la charge de ses quatre enfants. Le reste de sa famille se réfugie à Saint-Leu-la-forêt, dans le Val d'Oise.
Marie, gravement malade décède le 14 février 1915. Un mois plus tard, Lucien est tué au cours de la bataille des Eparges.

©Dardaud


Voilà donc les quatre enfants orphelins de mère et de père. La fratrie se voit confier dans un premier temps à leur grand-père maternel, Paulin Franquet. Un conseil de famille est instauré : il est composé de leur grand -mère paternelle Alphonsine Huvet, de leur oncle Léon Cosset et de son épouse Blanche Sagnier, et de la sœur de leur grand-mère. Les enfants sont orphelins mais pas sans famille.

Par la suite, ils vont être placés sous la tutelle de leur tante par alliance, Blanche Sagnier, actrice dramatique, épouse de Léon Cosset, décédé en 1924. Blanche Sagnier a pour nom de scène Claude Ritter.



Elle ne va pas rester tutrice bien longtemps : elle attend la majorité de l'ainée de la fratrie, Germaine, qui atteint ses 21 ans le 15 mai 1925. Sa tante, renonce à la tutelle qu'elle ne peut exercer de manière que de manière sporadique. La jeune fille, du haut de sa jeune majorité accepte la responsabilité de ses frère et sœurs; le 30 juin 1925, après une réunion du conseil de famille.

La tante débarrassée de la tutelle de ses neveux, va pouvoir se consacrer à sa carrière, qui sera longue. Elle décèdera en 1964, à l'age de 90 ans. Quant aux enfants, ilsvont grandir et s'épanouir sous la responsabilité de la jeune sœur aînée, qui mènera sa tâche avec zèle et dévouement. La fratrie restera toujours unie.

©Dardaud

samedi 18 juin 2016

P comme photos de famille

Avant la démocratisation de la photographie par la simplification de ses appareils, il était d'usage, au moins une fois dans la vie d'une famille, d'aller chez le photographe poser pour la postérité.

Que nous disent ces photos, retrouvées chez nos ancêtres, où l'on n'identifie pas toujours qui est qui ? Elles nous parlent d'un temps que les moins de 20 ans et voire même de 60-70 ans ne peuvent pas connaître ! Un temps où l'image est précieuse, la photo un objet rare qui s'encadre, s'affiche, s'offre, se conserve et puis parviendra jusqu'à nous.

Par exemple, cette photo prise chez un photographe parisien aux alentours de 1860, mettant en place trois générations ; la vieille dame assise en bas de la photo à droite est née avant la Révolution française...



Photos prises certainement le même jour ; la grand-mère de ma grand-mère et son père.


On peut véritablement parler de décor ; une rambarde, un rideau retombant lourdement tel un rideau de théâtre, une chaise en arrière-plan, joliment travaillée. L'homme est digne, costume, cravate, chapeau haut-de-forme, montre à gousset, canne dans la main. Portrait en pied d'un homme de biens sous le Second Empire.




Grand classique, la jeune maman et son nouveau-né ; en l’occurrence, mon arrière-grand-mère et ma grand-mère. Nous sommes au début du siècle dernier, c'est la première née dans cette famille ; le père, voyageant beaucoup pour son travail, a bien du mal à laisser sa jeune épouse et sa petite fille ; ce cliché lui est destiné : il l'emportera dans ses déplacements, dans une poche intérieure de sa veste, sur son coeur...

Les photos d'enfants

Charmants minois, douces expressions, pieds et bras dénudés : l'image idéale du bébé potelé que l'on a envie de tenir dans ses bras, d'embrasser. La pose est simple : le bébé se tient assis, version minimaliste sur une chaise, ou version plus artistique sur un tapis de fourrure.


Attitudes plus sérieuses pour ces jeunes enfants bien mis dans leurs beaux vêtements ; images figées d'enfants sages, vision idéalisée pour des parents que l'on devine en miroir, aux côtés du photographe. On pourrait même entendre les ultimes recommandations du père ou de la mère et l’on imagine les tractations pour qu'ils tiennent en place. C'est long un temps de pose...



Les fratries

Regroupés de l'aîné au plus jeune, les enfants sont immortalisés à la demande des parents, figés pour l’éternité dans une période donnée ; plus tard, la vie en séparera certains qui ne se retrouveront que peu de temps avant de mourir ; d'autres au contraire ne se quitteront jamais... On cherche, on scrute la ressemblance, l'air de famille. On habille les aîné(e)s de la même manière, on leur demande de se rapprocher les uns des autres, de se donner la main, de faire corps.








Les communiants










Moment fort dans la vie d'un jeune enfant catholique : la communion solennelle qui nécessite un passage par le photographe. Poses recueillies, inspirées même pour certains, le missel à la main, le bras reposant sur le prie-Dieu, le chapelet autour du poignet : image pieuse par excellence. L’étape suivante sera la photo de mariage, mais là, pas de studio, c’est le photographe qui se déplace à l’église.

Les jeunes filles



Ce sont des photos pleines de promesses ; les corps se sont étirés, les traits se sont affirmés ; souriante ou pensive, chacune de ces demoiselles ne regarde pas l’objectif, mais l’avenir !

Les jeunes hommes en militaire

Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sont forts ! Ils incarnent la fierté d’une nation pour qui ils sont prêts à donner leur sang ; l’attitude est vaillante, emprunte de romantisme guerrier. Ces photos témoignent d’une transition dans leur vie : ils deviennent des hommes ! L’insouciance de leurs jeunes années est désormais bien loin derrière eux ; ils vont apprendre le maniement des armes, et pour certains d’entre eux, le commandement des hommes. Et puis il y aura la guerre…




Les familles



C’est une photo que l’on imagine aisément encadrée dans le salon de la maison ; l’air sérieux de cette famille donne cette impression de gravité qui sied aux personnes conscientes de leur rang social et de l’importance du moment qu’ils sont en train de vivre. Ils posent pour la postérité ; l’histoire leur donnera raison, car la photo est parvenue jusqu’à nous.


Une mère et ses trois enfants qui posent chez le photographe. Le père est absent, il est prisonnier en Allemagne… Ce cliché est pris pour lui et sera glissé dans le prochain colis qui partira, au milieu du tabac, des gants, des écharpes et des biscuits de soldat. La mère et les enfants font bonne figure ; ils sont bien habillés pour l’occasion, coiffés avec soin, maquillés.
La mère et les deux garçons regardent dans une direction ; une esquisse de sourire aux lèvres. Seule la petite fille regarde l’objectif. Tous soudés autour de la mère, offrant au père captif une photo de réconfort, lui montrant que, malgré son absence, ils feront face et que, par-dessus tout, ils attendent son retour.



Les vieillards





Véritables portraits d’ancêtres vivants. Ces photos resteront dans les familles, rangées ou exposées, portraits officiels d’une génération qui a vécu, pour certains, loin des objectifs des appareils photo. Témoins directs d’une époque où l’image n’est pas encore omniprésente, ils sont en prise directe avec le passé, la preuve par l’image qu’il y a bien eu une vie avant nous.