Mémoire vive / Côté professionnel

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De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

vendredi 22 février 2013

Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous

Lors de la première rencontre avec une personne qui vient solliciter votre aide pour retrouver ses ancêtres, on lui pose naturellement de nombreuses questions. D'où venez-vous ? D'où sont originaires vos parents ? Que savez-vous de vos origines familiales ? Que souhaitez-vous comme recherche ? A partir de ses réponses se dessinent progressivement les contours de la recherche à venir ainsi que les lieux où elle va nous emmener. Terres connues, terres inconnues, nous nous préparons à voyager dans le temps et dans l'espace, à travers l'exploration de régions, de départements, de communes aux noms parfois si poétiques. L'entretien terminé, nous sommes prêts à partir, tels des aventuriers, armés de la carte des archives départementales accessibles depuis le Net, de notre calendrier révolutionnaire, de nos codes d'accès à différents sites dédiés, de provisions de thé et de café, et bien sûr, en cas d'urgence et d'égarement, de fusées de détresse à envoyer via les réseaux sociaux à la communauté de généalogistes qui y sévit.

Une des personnes pour qui je travaille actuellement ne connaissait que peu de choses de la branche paternelle de sa branche maternelle. Elle savait juste que son grand-père était originaire du Morvan. Cette région aux confins de l'Yonne, de la Nièvre, de la Côte-d'Or et de la Saône-et-Loire est chère à mon cœur. C'est la terre d'une partie de mes ancêtres et sur laquelle évoluent encore nombre de leurs descendants.
La recherche s'annonçait bien, j'étais en terre connue.


©Anne Dardaud

Je finis par apprendre que ce grand-père était né au début du siècle dernier à Ouroux, rebaptisé depuis les années soixante, Ouroux-en-Morvan, dans la Nièvre. Le champ de recherche se réduisait et d'heureux hasards m'amenaient sur le territoire d'une commune que je connais physiquement, dans une aire géographique familière.

Ouroux-en-Morvan

Les tables décennales et les registres n'étant pas encore accessibles sur Internet, je commence alors mes explorations par le recensement de la commune en 1911 ; là je trouve la famille en question, ainsi que leurs professions et leurs lieux de naissance. Le père est né à Paris, mais la mère, dont le nom de jeune fille n'est pas mentionné, est née à Montsauche, en 1891. Or Montsauche, rebaptisée également Montsauche-les-Settons, est l'autre berceau de ma famille : mon arrière-grand-mère y est née, et son père en a été le maire de 1875 à 1914. En mon for intérieur, je me dis qu'il serait amusant, au détour d'un acte, de le retrouver dans ses fonctions d'officier d'état civil.

Il s'agit du Docteur Charles Monot, dont j'ai déjà parlé dans un précédent billet, et dont voici le merveilleux portrait.


Né à Moux dans la Nièvre en 1830,  il "monte" à Paris faire ses études de médecine. Très tôt sensibilisé aux problèmes de mortalité infantile, il est l'auteur de l'essai "De la mortalité excessive des enfants pendant la première année de leur existence, ses causes et des moyens de la restreindre" daté de 1872. Il est également à l'origine de la loi Roussel de 1884 pour la protection des nouveau-nés, et qui règlemente la profession des nourrices dont l'industrie était extrêmement présente dans le Morvan (voir le billet "Le lait du Morvan").


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75697g


C'est par conséquent sous l’œil bienveillant de cet honorable ancêtre que je passe sur les archives de la commune de Montsauche.


La personne que je recherche ne m'est connue que sous son nom d'épouse. Je ne dispose que de l'année de sa naissance : 1891. Je m'oriente dans un premier temps sur le recensement de 1891 ; je retrouve la famille grâce à la mention d'un nouveau-né de sexe féminin qui porte le même prénom que la personne que je recherche. C'est le seul nourrisson recensé dans la commune qui porte ce prénom. La probabilité qu'il s'agisse de la bonne personne est grande. Munie de ce nom de famille, je me dirige vers les tables décennales. Je trouve sa date de naissance ; mais les registres de l'état civil s'arrêtent à 1888. J'envoie alors une demande par écrit à la mairie et la réponse est tombée la semaine dernière : il s'agit de la bonne personne ; son mariage est mentionné dans la marge et c'est bien mon aïeul qui a enregistré sa naissance.


Les probabilités étaient grandes en effet dès lors que nous nous trouvions sur cette commune, à cette époque. Mais il n'empêche : rien ne laissait supposer que les descendants de ces personnes se retrouvent plus d'un siècle après la signature de cet acte, à plus de deux cents kilomètres de cette commune, dans une ville qui compte plus de deux millions d'habitants.

Ou alors au contraire, les chances étaient plus grandes du fait que ce sont les descendants de ces personnes qui peuplent la capitale. Les Parisiens sur plusieurs générations sont assez rares, et quand bien même, Paris a toujours été une terre d'accueil où se sont brassées à travers les siècles des populations aux origines variées. Parmi elles, beaucoup sont venues du Morvan.

http://www.lamorvandelle.org/Pages/Sommaire%20journ.html
Alors oui, finalement le poète Paul Eluard avait raison : "Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous ".