Mémoire vive / Côté professionnel

Mémoire vive / Côté professionnel
De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

mardi 20 mars 2012

La Poste aux lettres


Je ne connaissais pas ce terme ; je l'ai découvert dans l'acte de décès de l'un de mes ancêtres qui jusqu'au 25 germinal an XII, date de sa mort, était directeur de la poste aux lettres.





Très honnêtement, je crois que je ne me suis jamais préoccupée de savoir comment était acheminée la correspondance de nos ancêtres. Il est vrai que la plupart des miens étaient des paysans qui n'avaient jamais pu avoir accès aux rudiments de la lecture et de l'écriture. Dans le meilleur des cas, ils n'étaient en mesure que de signer leur nom. D’ailleurs, les actes d'état civil mentionnent leur analphabétisme par cette phrase : "qui ont dit ne savoir signer".




Pour ceux qui savent mais qui ont un usage peu fréquent de leur signature, on ressent toute la solennité et l'application dans l'apposition du nom au bas de l'acte ; personnellement je trouve toujours cela émouvant, l'ancêtre en question se matérialise par cette signature, il prend corps : on imagine la main tenant la plume et traçant ces lettres. L'identification est d'autant plus forte si le nom est identique au nôtre.



Il n'y a donc rien d'étonnant que la poste aux lettres trouve son origine parmi "les lettrés", regroupés en communautés qui avaient besoin de communiquer entre elles, et dont les membres alors, éloignés de leur famille, devaient pouvoir donner des nouvelles et en recevoir. Ces universités, ces monastères, ces marchands utilisaient des messagers privés qui contre rémunération, se chargeaient d'acheminer les nouvelles.

Louis XI, au début de son règne, comprenant l'importance de la circulation de l'information et surtout de son contrôle, instaura son propre système de messagers royaux. Dès 1464, il mit en place un dispositif de relais de chevaux, tenus à la disposition exclusive des courriers royaux, et installés le long des routes de communication. La poste aux chevaux était née.




Les relais étaient distants de quatre puis de sept lieues - soit 28 km- (distance qui inspira par la suite Charles Perrault et les fameuses bottes du même nom). Le courrier changeait alors de monture et poursuivait ainsi sa route jusqu'à destination. Ces cavaliers n'avaient cependant en charge que la correspondance royale. A partir de 1507, les tenanciers des relais ont été autorisés à louer les chevaux à des particuliers.

Face à l'extension des messageries privées de plus en plus rentables, le roi Henri IV, à la fin du XVIe siècle, décida de réglementer la poste aux lettres ; à partir de 1603, les courriers du roi ont l'autorisation de se charger de la correspondance personnelle. C'est la création de la poste aux lettres, dont rapidement l'organisation et le contrôle vont être placés sous l'autorité d'un contrôleur général qui aura aussi la charge de la poste aux chevaux. 

A l'époque de mon aïeul, la poste aux lettres est devenue une administration dirigée par un surintendant général et qui comprend des directeurs et des courriers. Le travail des directeurs consistait à encaisser le prix de la lettre lorsqu'elle était remise à son destinataire.

Les courriers, quant à eux, acheminaient les lettres à cheval, utilisant les relais de poste afin de changer de monture. Ils étaient accompagnés d'un postillon qui les guidait et ramenait les chevaux à vide à leur relais d'origine.



De nos jours, l'acheminement du courrier est en train d'être repensé par la Poste, la correspondance privée étant une chose qui a tendance à se raréfier du fait de la dématérialisation des supports, et des nouveaux modes de communication : l'écrit à la vitesse de l'oral.  On échange, on parle, on tchate, on tweet en 140 signes, mais on n'écrit plus beaucoup de lettres ; la rapidité et l'instantanéité sont de mise. Certains y voient là une des raisons au sentiment d'accélération du temps. Personnellement, j'y vois quelque chose de pratique, d'usage facile, permettant de toucher un grand nombre de personnes, d'établir des liens beaucoup moins formels. Ce qui n'est pas incompatible avec le fait d'aimer les beaux papiers, les beaux stylos plume, même s'il est vrai que je ne m'en sers plus guère pour correspondre.

Mais je m’interroge. La correspondance privée des personnes demeure une source privilégiée pour qui s'intéresse à l'histoire des familles et des personnes. C'est un mélange d'intime et de public, de témoignage privé et d'instantané de moments historiques.

Les paroles s'envolent, les écrits demeurent et le papier, bien que fragile, reste le support qui ne nécessite que nos yeux comme moyen de lecture.  Alors que laisserons nous comme matériel généalogique à nos descendants ? Des disques durs avec des mails qui pour l'immense majorité n'auront pas été imprimés ? Et encore, la durée de vie de ces supports technologiques n'est que de quelques années et ils deviennent rapidement obsolètes. Désormais, il est difficile de trouver des lecteurs de disquettes 3,5 pouces, et quant aux disquettes souples des années 90...



Comme pour les photos, les supports papier seront de plus en plus rares, et seront utilisés avec parcimonie. Quelles traces, quels témoignages de nos vies sociales, familiales et amicales subsisteront ? Peut-être, alors, les réseaux sociaux prendront la place de la correspondance d’antan, et offriront à nos descendants qui y retrouveront notre profil un condensé de nos relations, de nos goûts, de nos réflexions… mais encore faudra-t-il être en mesure de les lire.







dimanche 26 février 2012

Le retour de Zarafa

La sortie dans les salles du dessin animé "Zarafa" au début du mois de février a remis à l'honneur la première girafe de France, cadeau du pacha d'Egypte Méhémet Ali au roi de France Charles X. 

J'ai déjà eu l'occasion dans ce blog de relater dans "Une girafe dans l'arbre" cet incroyable périple, et la place qu'occupe dans ma famille tout ce qui a trait à cette aventure.

Cet après-midi, balade au jardin des Plantes de Paris, où le Cabinet d'histoire retrace dans une brève exposition la véritable histoire de Zarafa, dont le film est très librement inspiré.

Visite en 10 clichés

©Anne Jourda Dardaud

©Anne Jourda Dardaud

©Anne Jourda Dardaud

©Anne Jourda Dardaud

©Anne Jourda Dardaud

©Anne Jourda Dardaud

©Anne Jourda Dardaud

©Anne Jourda Dardaud


©Anne Jourda Dardaud

©Anne Jourda Dardaud

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Cabinet d'histoire du Jardin des Plantes 
Paris
jusqu'au 30 avril 2012

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Actuellement dans les salles Zarafa
de Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie

 

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Sans oublier bien entendu,  le livre de Gabriel Dardaud, préfacé par Olivier Lebleu

Une girafe pour le roi


et le livre d'Olivier Lebleu sur la girafomania provoquée par la présence de la girafe en France

Les avatars de Zarafa










jeudi 16 février 2012

La mémoire des sens (3/5)

Chambre noire

Notre mémoire est une boîte à images . Quels que soient les moyens par lesquels les souvenirs reviennent, ils prennent toujours la forme d'images. La vue est le vecteur par lequel elles transitent en double sens : elles vont investir notre mémoire, pour mieux la convoquer plus tard . C'est un mouvement incessant entre la création du souvenir et sa révélation.

Parmi toutes les images, les photos sont des instantanés de mémoire ; on fixe dans un cadre un paysage, une ou des personnes, un évènement, un objet. L'impression est une question de sensibilité. Les clichés sont des témoignages de nos existences et des existences avant nous. La preuve si besoin est, que les personnes que nous n'avons connues qu'âgées, ont été de jeunes adultes, des enfants, des bébés. La photo n'évoque pas le moment de sa prise, mais ravive le souvenir de la personne telle que nous l'avons connue. Je retrouve ainsi dans le visage de ce bébé les traits de ma grand-mère ; elle serait aujourd'hui âgée de 107 ans...


Mais c'est aussi une représentation de la maternité, comme l'incarnaient les madones à l'enfant, en qui chaque jeune mère pouvait s'identifier ; c'est une image universelle qui nous parle, qu'on reconnaît.

Les tirages photo matérialisent notre mémoire qui peut alors s'afficher, se révéler aux yeux de tous. Cependant, à coté des photos que l'on a prises ou sur lesquelles nous figurons, consciemment ou inconsciemment, consentants ou non, et qui sont des morceaux visibles de nos souvenirs, il y a les photos inconnues qui peuvent provoquer le même effet ; une photo d'un paysage peut renvoyer à autre paysage, réel, mental ou encore onirique. Ils réveillent en nous les morceaux invisibles de notre mémoire.
Au-delà du sentiment qu'ils provoquent, les clichés de Fred Jourda sont de cette nature : ils interrogent ce qu'il y a de plus intime en nous.

http://www.youtube.com/watch?v=G3HDm4cdhcg

Le rapport entre la mémoire et la photographie est autant une affaire de contenant que de contenu. A l'heure où Kodak est en faillite, que reste-t-il des films, diapos et tirages qui immortalisent des instants plus ou moins précieux, illustrations de la vie quotidienne d'une époque donnée à un endroit précis ?




Avec les appareils numériques, on garde ses souvenirs sur des cartes mémoire qui n'ont jamais aussi bien porté leur nom. Les photos se regardent sur des écrans et de moins en en moins dans des albums ou des cadres. Elles deviennent immatérielles. Cela n'empêche pas leur diffusion, grâce aux nouveaux moyens de communication ; parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.


Mais afficher les photos, c'est leur rendre une de leur vocation première, à savoir montrer, aussi bien une personne, un endroit, qu'un objet. Les diapositives, comme les films en super 8, étaient des éléments de partage, autour de soirées diapos, ou des projections de films de vacances. Parfois ennuyeux, nous n'étions pas toujours à même d'apprécier à sa juste valeur les clichés pris sur la plage du Touquet, ou encore les trois minutes de plan fixe sur l'Acropole... mais reste le souvenir de ces soirées en famille ou entre amis.


Commenter les photos, c'est aller encore plus loin dans le partage, c'est révéler une mémoire, partager une histoire commune : la photo ne concerne pas uniquement la personne qui l'a prise, ni seulement celle ou ceux qui figurent sur le cliché. Elle prend place dans l'histoire de la famille, des amis, des proches. Elle propose différents niveaux de lecture, laisse place au récit des protagonistes, mais aussi de ceux qui l'ont en leur possession. 


Jonathan Coe dans son livre, "La pluie, avant qu'elle tombe", raconte l'histoire d'une famille anglaise, de la guerre à nos jours, à travers le témoignage qu'enregistre l'une de ses héroïnes, en se basant sur une dizaine de photos qu'elle décrit, commente, et à partir desquelles elle digresse pour livrer une histoire complexe. 





C'est à partir de ce roman que j'ai eu l'idée de proposer à mes clients de collecter leurs photos et leurs souvenirs de famille dans un recueil d'anamnèses. La mémoire a parfois besoin d'aide et l'image parvient à libérer la parole.