Mémoire vive / Côté professionnel

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De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

mercredi 6 novembre 2013

Commémoration 2013

Le généathème du mois de novembre porte sur la première guerre mondiale. Il y a deux ans sur ce même blog, j'avais retracé à travers les photos et les papiers de famille l'impact de cet abominable conflit sur les différentes branches de mon arbre et de l'arbre de mes enfants. Un léger dépoussiérage et revoilà ce billet "Commémoration" de nouveau sur le devant de ce blog, ouvert à vos commentaires.

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Les monuments aux morts sont couverts des noms des hommes tombés au champ d’honneur ; à présent que ceux qui ont survécu à cette boucherie ont rejoint pour l’éternité leurs compagnons de combat, à notre tour de ne pas les oublier ; leurs noms ne figurent que sur leur pierre tombale. Chaque famille française a dans ses branches un ou plusieurs ascendants tués durant le premier conflit mondial : un arrière grand-père, un arrière grand-oncle, un cousin, un allié.


Morts pour la France, tués à l’ennemi, blessés succombant à ses blessures, rescapés mais à jamais marqués par l’horreur des combats, tous ont été arrachés à leurs terres, à leurs foyers, à l’affection des leurs, pour une cause qui dépassait leur simple statut de citoyen : la patrie. Et au nom de cette patrie, ils ont combattu un ennemi qu’on leur a désigné, ont obéi à des ordres, à des contre-ordres, ont fait les frais de la bêtise humaine, ont 
côtoyé dans le froid, la mort, la terreur, mais ont aussi connu le courage, la solidarité, la fraternité.

Les femmes ne sont pas en reste : elles remplacent les hommes dans les champs, dans les usines, dans les commerces ; elles sont volontaires dans les hôpitaux, réconfortent les soldats en devenant marraines de guerre. La vie à l’arrière n’est pas forcément plus simple.


Et puis enfin, il y a ceux qui ont subi directement les conséquences de la guerre : les veuves et les orphelins.
Ces derniers, après le conflit, sont adoptés par l'Etat et deviennent des pupilles de la nation. En plus du deuil, ils portent sur leurs frêles épaules le sacrifice paternel, fardeau souvent bien lourd qu'ils ne peuvent pas tous supporter.

Rencontrés dans ma forêt d'arbres généalogiques, des hommes des femmes, et des enfants aux destins liés à la Grande guerre ; là un paysan devenu soldat, là un libraire engagé ; là encore un médecin, ancien député de la Seine, là un marchand de vin, notable établi.

Exemples de vies entrées dans l’Histoire, tous les soldats ne sont pas inconnus.



Frère de mon arrière grand-mère paternel, paysan dans le Lauragais. Il pose en uniforme comme ses camarades : la veste est un peu juste au niveau des manches. Deux grandes mains, des mains de travailleur de la terre en sortent ; l'attitude est digne, patriotique, mais l'expression du visage est à mon sens indéchiffrable. Dans la lettre qui accompagne cette carte postale-photo, il s'inquiète ; non pas des combats à venir, mais des récoltes et de qui pourra aider en son absence afin que rien ne se perde. Il espère comme tous ses camarades être rentré pour les moissons.



Le père de ma grand-mère écrit à ses enfants ; nous sommes au début du conflit : quelques mots d'un père aimant, rassurant et attentionné jusqu’à leur faire envoyer un paquet de bonbons. Tout est dans l’apparence d’une normalité affichée : un simple voyage d’affaires d’un père qui a l’habitude de parcourir la France pour son travail. Seule la date intrigue et quand on retourne la carte, on voit ce groupe de militaires gradés, et apposée de la main de ce même père la mention : « sur le front : après une mission, discussion sur la carte ; 25/3/1915 ». 

Et pendant ce temps-là, sa femme, mon arrière grand-mère, devient infirmière. Femme de devoir, mère de quatre enfants, courageuse et généreuse, pendant que son mari est sur le front.


Un de ses cousins, plus au nord en Belgique, est engagé dans les combats comme médecin, mais est blessé comme n'importe quel soldat. Son nom est cité parmi la liste des blessés que recense chaque jour le quotidien socialiste "L'Humanité", sous la rubrique "Nos camarades sur le front". Il mourra quelques mois plus tard des suites de ses blessures.

L'Humanité 28 septembre 1914








Lucien Cosset, ancêtre de mes enfants, époux et père de quatre enfants, est âgé de 37 ans au début du conflit. Originaire de Versailles, mais résidant dans les Ardennes, il s'engage. Fuyant les zones de combat, sa femme et ses enfants se réfugient en région parisienne. Malade, elle décède en février 1915. Lucien quant à lui sera tué à la bataille des Eparges, première d'une longue liste de batailles sanglantes, un mois plus tard. Les quatre enfants se retrouvent orphelins de mère et de père en l'espace de quelques jours.


Mon arrière-grand père maternel, Jean Chanteloube, jeune marié, tout juste père d'une petite Jeanne ; il n'aura pas eu le temps de vivre avec sa femme et sa fille née en juillet 1914. Mort dans la Marne, bien loin de son Périgord natal. Il reste juste un portrait, le temps de poser pour la postérité, seule image paternelle pour sa petite fille. Son nom est gravé dans la pierre du monument aux morts de son village.


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Nombreuse littérature et filmographie qui rend comte avec force et détail de la terrible réalité de ce premier conflit mondial. Pour ma part, c'est l’œuvre de Tardi qui relate et décrit la guerre comme elle est, débarrassée de tous les oripeaux d'un patriotisme et d'un héroïsme romantique. Il donne corps, visage et âme aux combats, à la vie dans les tranchées, en dénonçant l'absurdité des hommes, l'atrocité de la condition humaine réduite à l'état de chair à canon.


Sites Internet de référence sur les monuments aux morts






jeudi 31 octobre 2013

Généalogie et phaléristique

Au musée de la Légion d'honneur à Paris, se tient jusqu'au 26 janvier 2014 une exposition intitulée "De Gaulle et le Mérite, création d'un ordre républicain", célébrant le cinquantenaire de la création de l'ordre et qui dévoile les coulisses de la fondation du second ordre national, "pilier d'une large réforme du système des décorations françaises voulue par le Général, dans une France en pleine modernisation".


Il est possible de consulter sur place un annuaire interactif qui rassemble plus de 306.000 noms des décorés d'hier et d’aujourd’hui.

En marge de cette exposition, j'ai eu le privilège de rencontrer Nicolas Botta-Kouznetzoff, historien spécialiste des médailles et des décorations : un phalériste.  Lors d'un échange tout à fait passionnant au cours duquel il a eu la gentillesse de me faire découvrir sa matière et de partager ses connaissances érudites, nous nous sommes interrogés sur l'apport de la phaléristique à la généalogie.

Nicolas décrit la phaléristique comme une science auxiliaire de l'histoire qui pour objet l'étude des ordres, des décorations et médailles. L'apport de cette science auxiliaire est de déchiffrer et comprendre la présence d'ordres, décorations et médailles sur différents supports (tableaux, photographies, armoiries, papiers, monuments). Plus généralement d'aider le travail de l'historien en lui donnant des outils de datation.



On compte parmi ces sciences dites "annexes", l'héraldique (l'étude des blasons), l'insignologie (l'étude des insignes), la sigillographie (l'étude des sceaux), la vexilologie (l'étude des drapeaux), l'uniformologie (l'étude des uniformes), la numismatique (l'étude des pièces).

Les généalogistes, que l'on peut considérer comme des historiens de la famille, ont besoin d'éléments de datation pour retracer le parcours de vie de leurs ancêtres. A coté des documents d'état civil, il y a les papiers de famille, les documents officiels qui fournissent des données claires et précises. Et puis il y les supports qui ne livrent pas de prime abord les informations qu'ils contiennent. C'est alors une recherche d'indices, un travail de décryptage de symboles, qui renvoient directement à ces sciences annexes.

La phaléristique étudie les insignes de fonction et de distinction que l'on peut trouver sur tous les supports iconographiques et des sculptures comme des bustes. Il peut aussi s'agir d'un simple objet comme une barrette de rappel, ou encore un ruban qui a force d'une médaille.

On peut également ne retrouver que les brevets, diplômes ou autorisation de port de décoration. Ces derniers documents sont généralement les mieux connus des généalogistes et sont riches en éléments biographiques.

crédit : Jourda

Parmi nos ancêtres, certains dont la vie a été très éloignée des carrières militaires, ont pu par le biais et les hasards de la conscription se retrouver à partir dans des expéditions à l'autre bout du monde. Le brevet et/ou la médaille en sont les seuls témoins. Ainsi Guillaume, le grand-père de mon grand-père paternel, laboureur dans le Lauragais, dont j'ai retracé l'aventure au Mexique dans un précédent billet.

Les ordres, décorations et médailles créées après la Révolution touchent davantage de personnes que les ordres royaux de l'Ancien régime, destinés dans la majorité des cas aux personnes de la noblesse. Ces ordres ont été supprimés en 1793, puis rétablis sous la Restauration, puis définitivement supprimés en 1830.

L'histoire des ces ordres français est très instructive  : le site du musée de la Légion d'honneur en retrace les grandes étapes, de l'ancien régime à la création du l'ordre du Mérite.

Souvent, le problème du généalogiste est l'accès aux sources car une fois l'identification faite, on attend des éléments biographiques qui vont permettre de retracer la vie de notre ancêtre. Il y a les archives militaires, les registres de recrutement, la série R des Archives départementales qui contient les dossiers de décoration à titre militaire. La Revue française de généalogie avait publié un excellent article sur le sujet (RFG n°205 avril-mai 2013).

La Légion d'honneur propose sa base de données : Léonore.
Non seulement vous pouvez vérifier si l'un de vos ancêtres a reçu l'honorable décoration, quel était son grade dans l'ordre mais vous pouvez avoir accès à son dossier.

J'ai ainsi pu trouver pour l'un de mes ancêtres un  état des services, véritable curriculum vitae et ainsi reconstituer une partie de son parcours professionnel, ainsi que prendre connaissance d'une partie de ses publications.

La phaléristique permet par ces outils un autre éclairage de l'histoire d'une personne : c'est par le vecteur d'un objet que l'on va avoir accès non seulement à son histoire, à sa situation géographique, mais également à la "grande" histoire. Cet objet historique nous place à hauteur d'homme ou plus exactement à hauteur de poitrine, et tel le "portauloin" (objet magique, bien connu des lecteurs d'Harry Potter),  nous emmène à travers des périodes ignorées ou oubliées en nous en offrant une lecture différente, plus proche, plus personnelle.
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En plus de l'exposition, je vous recommande le catalogue "De Gaulle et le Mérite - création d'un ordre républicain" auquel a contribué Nicolas, très richement illustré et qui présente également une iconographie des ordres et des décorations qui ont été supprimés au moment de la création de l'ordre du Mérite.

Je vous recommande aussi cet ouvrage sur les brevets des médailles commémoratives militaires du Second Empire. C'est un guide pour les collectionneurs, mais qui peut constituer une source d'information non négligeable pour les généalogistes.

http://editions.pb-co.fr/catalogueCollections.html

Enfin, Nicolas est un grand spécialiste de l'histoire de la Russie : il est l'auteur du site sur la phaléristique impériale russe : www.phaleristique.com

mercredi 25 septembre 2013

Une généalogiste, deux organisations

A mon tour de livrer ma contribution de généalogiste-blogueuse au généathème du mois, proposé à la communauté de généalogistes sévissant sur les réseaux en général et sur Twitter en particulier.




Il ressort de la lecture des billets publiés, qu'il n'existe pas une seule et unique méthode et que l'organisation est avant tout question de personnalité. Je me reconnais dans certains, moins dans d'autres. Il y a les "pros" de l'informatique et de ses supports, les accros du papier-crayon, voire pour certains du tableau et de la craie, l'un n'empêchant pas l'autre, bien au contraire. Il y a les anarchistes, les cigales, les méticuleux... Tous s'accordent à penser que seul le plaisir compte ; qu'importe le flacon (le support), pourvu qu'on ait l'ivresse...de la recherche et de la découverte.

Pour ma part, la difficulté réside dans le fait que la généalogie est aussi l'objet de ma profession et que je ne procède pas du tout de la même manière quand il s'agit de chercher pour moi ou chercher pour une personne qui rétribuera ce service rendu.

Professionnellement, mon organisation se déroule selon un processus établi, auquel j'ai longuement réfléchi et dont l'objectif est d'apporter un maximum d'informations dans un minimum de temps. Il faut être efficace et précis. J'utilise le logiciel Généatique pour construire les arbres, Excel pour lister les actes que je trouve, et Word pour rédiger le compte rendu final. Par ailleurs, je propose aux personnes qui viennent me trouver de leur rédiger un "Journal de recherches" où je retrace le processus, acte après acte, génération après génération, en illustrant le tout de cartes postales anciennes, de "unes" de journaux d'époque, de copie des actes. Leur généalogie leur est ainsi présentée dans un livret, sous la forme d'une histoire qui se déroule au gré des découvertes.



Mes recherches personnelles font l'objet d'expérimentations diverses et variées. C'est un véritable laboratoire où je teste mes idées, mes techniques au gré de mes avancées, au gré de mes lectures.
J'essaye et je vois ce qui me correspond le mieux. Si une pratique fait ses preuves et qu'elle n'est pas trop chronophage, je la valide et je m'en sers professionnellement. Ainsi la localisation des communes étudiées sur Google Map. C'est un outil vraiment utile, qui permet à mon sens de comprendre les mouvements et les déplacements des familles, notamment au gré des évolutions des infrastructures : routes, chemin de fer etc.

J'ai longtemps amassé les informations sous toutes ses formes et sur tout support ; je sais que tout est là, à portée de main ou de clic. Je fais des sauvegardes sur un disque dur externe. Face à la quantité d'informations, j'ai appris à sourcer, noter les références précisément : le nom du site, la page du registre et mettre un lien hypertexte.

Comme outil de base, sur mon vieux PC,  j'utilise :
-Généatique
pour les arbres. Je m'en sers depuis longtemps et je l'actualise une année sur trois (en moyenne),
- Excel
, parce que j'aime bien le côté cases et puzzle.

J'ai aussi un bon scanner dont je me sers pour les photos et papiers de famille, une bonne imprimante, pour imprimer les actes que je range dans un classeur. Je ne peux pas me passer de la version papier, je n'utilise la capture d'écran que de manière sporadique.



Et puis des carnets, des feuilles, des fiches, des post-it où je note tout et n'importe quoi : des références, des idées de billets pour le Blog, des fragments de recherches, des données historiques, un calendrier révolutionnaire, des dessins de mes enfants qui m'inspirent et me font rire...J'ai la fâcheuse manie de ne rien jeter, de tout garder, les courriers des mairies qui accompagnent les actes, des vieilles cartes postales, des photos de mes chers disparus.

crédit photo : Anne Dardaud
Dans un premier temps, j'ai navigué de branche en branche, puis de commune en commune ; j'ai parfois focalisé mon attention sur un seul quartier, dont j'étudiais les différentes branches, les différents descendants. Il m'est arrivé de décrocher par ennui ou lassitude, parce que les personnes que je trouvais ne me parlaient pas. Je ne parvenais pas à leur donner corps, leur insuffler un filet de vie, à les réinstaller dans leur contexte historique et géographique, à la manière d'un pop-up. C'est dans ces moments là que je remets tout à plat, à la manière d'un grand ménage : je reprends alors mon tableau et je pars à la chasse aux absents. Sur une grande feuille blanche, je revois tout depuis le début : je relis, je relie des personnes et des lieux et souvent certains détails que j'avais négligés apparaissent : de nouvelles pistes à suivre, et telle une enquête, les recherches sont relancées.

Les vers de Nicolas Boileau illustrent parfaitement ma conception de la recherche de mes propres ancêtres : 

"(...) Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage;
Polissez-le sans cesse et le repolissez :
Ajoutez quelques fois et souvent effacez.
C'est peu qu'en un ouvrage où les fautes fourmillent,
Des traits d'esprit semés de temps en temps pétillent.
Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ;
Que le début, la fin répondent au milieu ;
Que d'un art délicat les pièces assorties
N'y forment qu'un seul tout de diverses parties
."