Mémoire vive / Côté professionnel

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De la découverte de vos ancêtres à la transmission de vos histoires et souvenirs de famille

mercredi 4 juin 2014

D comme Douairière

C'est un terme qui n'est plus guère usité. Il peut mettre être perçu comme péjoratif. Il s'agit davantage il est vrai d'un qualificatif que d'une véritable dénomination d'un lien familial. Disons qu'il décrit un état, lié à un "statut" familial". Voici la définition du dictionnaire Le Robert : " veuve qui jouissait d'une douaire, [défini comme] un droit de l'épouse survivante sur les biens de son mari" mais dans son acceptation péjorative on pense à "une vieille dame de la haute société, hautaine et sévère".

En regardant cette photo de famille prise vers 1860, la vieille dame assise au premier rang me fait terriblement penser à un mélange de ces deux définitions. Vieille dame, elle est née avant la Révolution, veuve depuis quelques années, elle vit de ses rentes. En revanche je ne peux faire que des suppositions quant à son caractère. Quelques pistes cependant.

Cette personne est une de mes ancêtres directe, mon Sosa 93 . Elle se nomme Anne-Louise Delagrange d'Urbigny. Elle est née le 27 juillet 1785 à Lormes dans la Nièvre. Elle est la fille de Charles Simon Delagrange d'Urbigny, notaire impérial, et de Françoise Delagrange Dancy.

Au moment où la photo a été prise, elle est  veuve de Pierre Charles Meslier, qu'elle avait épousé  à Lormes le 26 février 1810. Leur fils Louis Meslier né le 13 janvier 1811 à Lormes, se tient assis à ses cotés. Lui aussi est également veuf : son épouse Reine Pauline Simmonot, qu'il avait épousé en 1838, est décédée en 1848, le laissant seul avec ses deux enfants, Jean-Baptiste (au centre de la photo) et Claudine-dite-Marie (à la gauche de son frère).


crédit photo : Jourda

Louis Meslier ne se remariera pas.

crédit photo : Jourda


Sa mère aura comme principal souci, de trouver un bon mari à sa petite fille, devenue jeune fille.

crédit photo : Jourda

Elle souhaite ainsi lui assurer une "protection". Cette précision nous est parvenue grâce à Marie Moreau, la cousine de ma grand-mère dont je parlais dans le précédent billet  (C comme cousines), arrière-petite-fille d'Anne-Louise. Elle avait conservé un exemplaire du  faire-part de mariage de sa grand-mère sur lequel elle a ajouté à l'intention des générations suivantes cette information.


On peut lire :" 16 ans, sa mère Mme Louis Meslier décédée à Montsauche, sa grand-mère Mme de la Grange d'Urbigny, la mettait en présence de maris, s'assurant qu'elle aurait un protecteur quand elle décèderait."

Et c'est chose faite en la personne de Charles Monot, médecin de son état, futur maire de Moux, puis de Montsauche, que Claudine-dite-Marie épouse à Montsauche le 20 juin 1859. Elle n'a pas 17 ans. Il en a 29. On le retrouve aux côtés de son épouse sur la photo de mes ancêtres, juste derrière la douairière-marieuse.

crédit photo : Jourda

En janvier 1864, le couple accueille son premier enfant, une petite fille prénommée Louise. La même année, Anne-Louise Delagrange d'Urbigny décède avec le sentiment du devoir accompli.






mardi 3 juin 2014

C comme cousines

Elles s'appellent Marguerite et Marie. Elles sont sœurs. Elles sont les filles de Pauline Monot et de Léon Moreau. Ce sont les premières petites filles du Docteur Monot : les cousines de ma grand-mère Anne Marie.

Leur histoire est parvenue jusqu'à moi grâce à des photos de famille, mais aussi une correspondance abondante, dans laquelle j'ai pu puiser pour reconstituer leur vie. J'ai pu compléter le tout avec quelques actes d'état civil afin d'être certaine des lieux et des dates.

crédit photo : Jourda
Marguerite, est née le 1er mai 1890, sa sœur Marie est venue au monde trois années plus tard, le 2 décembre 1893. Leur mère, bien que résidant à Montceau-les-mines, est revenue dans sa ville natale, auprès de ses parents et de ses deux sœurs pour mettre au monde ses enfants. On la voit ici, à gauche, avec ses deux sœurs et son père.

crédit photo : Jourda
Les deux sœurs Marie et Marguerite sont proches de leur jeune tante Marie (c'est décidément un prénom extrêmement répandu dans la famille). Cette dernière, mon arrière grand-mère était née ne 1880. Quelques années et une génération les séparent. De nombreuses lettre témoignent de cette proximité. Il ressort aussi de cette correspondance que les deux petites filles sont chéries et aimées par cette famille qui les a accueillies avec grand bonheur. Elles sont affectueuses et attentionnées. 



En 1904, leur jeune tante Marie se marrie. Elle donne naissance un an plus tard à une petite fille Anne-Marie et un an encore plus tard à une deuxième petite fille Élisabeth. Les deux sœurs se réjouissent de l'arrivée de leurs cousines. 

Anne-Marie et Élisabeth ( les deux mignonnes)
crédit photo : Jourda
A la naissance du troisième enfant en mars 1908, un garçon prénommé Charles, Marguerite se trouve en Angleterre, dans un pensionnat. Elle y semble heureuse et entretient une correspondance régulière avec sa tante, dans laquelle elle s'enquiert des nouvelles de ses jeunes cousines et du nouveau né. 


Et quelques temps plus tard, au moment du baptême de son jeune cousin Charles  : 




Dans les lettres et les cartes postales qui nous sont parvenues, à travers sa belle écriture se dessine le portrait d'une jeune fille délicieuse, pleine de vie. Mais parmi ces nombreuses lettres, il y a aussi des télégrammes qui se font de plus en plus inquiétants, jusqu'à l'annonce du décès de la jeune Marguerite, emportée par une méningite foudroyante. Dès l'annonce de sa maladie et de la gravité de son cas, sa mère Pauline est partie à son chevet. Elle sera à ses côtés dans ces derniers instants.




La famille est terrassée par cette perte cruelle. En quelques semaines le deuil a fait place à la célébration de la vie, suite à la naissance du petit Charles. Quelques années plus tard, le 28 décembre 1911, sa tante Marie, donnera naissance à son quatrième enfant, une fille, qu'elle prénommera Marguerite en mémoire de cette nièce tant aimée.

Quant à sa sœur, Marie, elle deviendra la dépositaire et la gardienne de la mémoire de Marguerite. C'est elle qui a conservé une partie des les lettres et des photos. Elle a eu une existence solitaire, ne s'est jamais mariée, a vécu dans la religion sans entrer dans les ordres. Elle a longtemps occupé un emploi de bonne du curé. Souvent, elle est venue passer ses étés dans la maison de sa tante Marie, devenue par la suite celle de sa cousine Élisabeth. Elle est décédée à 90 ans, le 16 mars 1984, à Laguiche en Saône-et-Loire.  Elle était le dernier membre de cette branche Monot-Moreau, partie sans laisser de descendance.


crédit photo : Jourda





lundi 2 juin 2014

B comme Bru

Elle s'appelle Marie Rey. Elle est née le 4 février 1871 à Saint-Félix-Lauragais en Haute-Garonne. Elle est la fille de François et de Marie Tarisses, cultivateurs à Saint-Félix.


crédit photo : Jourda

A 19 ans, elle épouse à Montmaur dans l'Aude toute proche, Paul Jourda. Elle devient alors la bru de Guillaume et Marie Gourg, les parents de Paul. Elle est la première belle-fille et sera la seule (mais ça elle ne le sait pas encore). Les Jourda sont une famille de métayers, installée dans cette région du Lauragais, au croisement de la Haute-Garonne et de l'Aude.


Guillaume Jourda et Marie Gourg ont trois enfants : Paul, l'aîné, Marie la cadette et Marc le benjamin. Guillaume est parti au moment de son service militaire, par les hasards du tirage au sort, servir l'Empire de Napoléon III dans la catastrophique expédition au Mexique (cette aventure est relatée dans ce blog, dans ce billet). 

Des années plus tard, c'est autour de son fils Paul, alors jeune homme,  de partir pour son service, mais, cette fois, dans la direction opposée  : l'Asie de sud-est, la conquête du Tonkin ( le périple de Paul est raconté dans ce billet).

Marie arrive donc dans une famille où les deux principaux membres ont voyagé, ce qui à cette époque, dans ce milieu est plutôt inhabituel. C'est peut être ce qui lui a plu chez Paul : cette différence, le fait de savoir que les yeux qui la regardent ont également vu des contrées lointaines et inconnues, d'autres mers, d'autres hommes et femmes à la couleur de peau différente. Son mari et son beau-père ont dans la tête des images qui n'appartiennent qu'à eux et qui prennent les plus beaux atours de la jeunesse. Les partagent-ils ? Parviennent-ils à raconter leurs souvenirs ? C'est probable, mais pas certain. Ce sont aussi des souvenirs de guerre, de violence et de peur.

Le 3 septembre 1891, Marie donne naissance à Soupex, à un fils que les jeunes parents prénomment Guilhaume.  Ils habitent alors sous le même toit que la famille Jourda, comme l'indique le recensement de la commune.


Cohabitent donc : Marie, ses beaux-parents (Guillaume et  Marie), sa belle-soeur Marie et son beau-frère Marc. (Trois Marie dans la même maison...) Arrive donc ce petit enfant.

Quelques mois plus tard, c'est autour de Marc, le jeune frère de partir faire son service militaire. Il part pour Madagascar. Il est jeune, il a 20 ans et peut-être a-t-il à l'esprit tous les récits d'aventure de son père et de son frère, partis avant lui. Les voyages forment la jeunesse... Sauf que Marc ne reviendra pas de Nossi-bè : il y décède le 23 septembre 1895. (L'histoire de Marc est racontée dans ce billet). C'est une tragédie pour Marie et sa belle famille.

Dix années plus tard, nous retrouvons Marie et Paul installés à Chalabre, dans l'Aude. Paul est devenu cantonnier à la compagnie des chemins de fer du midi. Créée en 1852, cette compagnie privée avait reçu la concession de la ligne Bordeaux - Sète. Viendront ensuite s'ajouter les lignes Bordeaux - Bayonne, et Narbonne - Perpignan.

Marie, de nouveau enceinte donne naissance à Alfred, le 15 novembre 1906. Peu de temps après, la famille revient s'installer à Soupex. Marie y occupe désormais l'emploi de garde-barrière, Paul a pris de l'avancement : le voici chef-cantonnier. La famille vit dans la maison à la barrière n°11.

crédit photo : Jourda

Quelques mois plus tard, alors qu'Alfred n'est encore qu'un bébé, son frère aîné Guilhaume, âgé de 15 ans décède de congestion, pour avoir bu de l'eau glacée après une longue course au soleil. C'est un véritable séisme pour Marie. Elle en gardera une attitude ultra-protectrice à l'égard de son fils cadet, et voudra le garder à coté d'elle le plus longtemps possible. Après la disparition de son jeune beau-frère, la mort prématuré de Guilhaume achève de la rendre réticente à tout idée de mouvement et de voyage. Et pourtant, Alfred finira par partir (la vie d'Alfred et retracé dans ce billet, dans celui-ci également et enfin dans ce dernier).

Marie va continuer sa vie au poste de garde-barrière puis avec Paul, ils s'installeront, non loin de Soupex, à Sain-Paulet. Elle y décède le 25 janvier 1932 à l'age de 60 ans.

crédit photo : Jourda

Son fils Alfred n'est alors pas marié. Ils se mariera l'année suivante. Marie n'aura pas eu de bru : elle n'aura pas eu le temps de "changer de statut", de devenir une "belle-mère", de connaitre celle qui va devenir la mère de ses petits-enfants.