Voici la réédition d'un billet que j'avais écrit sur ce sujet il y a quelques mois et que je trouve toujours pertinent. Depuis, j'ai travaillé pour de nouvelles personnes et j'ai rencontré ce dilemme de devoir défaire la mythologie familiale.
Il existe dans toutes les familles des histoires qui se transmettent de génération en génération. Le sujet varie d'une famille à l'autre, mais généralement le point de départ est un ancêtre, dont on connait peu de choses. Il se distingue des autres ascendants soit par sa provenance, soit par son destin.
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Il existe dans toutes les familles des histoires qui se transmettent de génération en génération. Le sujet varie d'une famille à l'autre, mais généralement le point de départ est un ancêtre, dont on connait peu de choses. Il se distingue des autres ascendants soit par sa provenance, soit par son destin.
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C'est
toujours intéressant d'écouter ce que les personnes ont à dire de leurs
racines et de leur histoire familiale. La question de l'origine
géographique se pose en premier : on revendique son appartenance à telle
ou telle région de France, à tel ou tel pays si l'on a des origines
étrangères, ou encore si l'on est d'une autre nationalité.
Jusque
là rien que de très naturel. Certains connaissent leurs origines sur
plusieurs générations, d'autres les ignorent et ne s'en soucient pas ;
enfin il y a ceux qui savent d'où ils viennent mais qui "pimentent" leur
origine d'un ancêtre exotique, à la provenance lointaine, à une époque
incertaine et à l'histoire mal établie. L'histoire de cet homme -car
c'est généralement un homme- et de ses origines a été rapportée,
amplifiée et déformée à travers les siècles, mais elle subsiste
néanmoins : mieux on la revendique. "Il parait que nous avons des origines russes !" ou encore "On raconte dans ma famille que nous venons de Hongrie...mais je ne sais pas par qui, ni à quel moment"...
Après
la question des origines, se pose la question sociale : on descend
d'agriculteurs, d'artisans, de commerçants, d'ouvriers, de
propriétaires, de notables. Mais là encore, il y a ceux qui connaissent
leurs origines sociales, ceux qui les ignorent et ne s'en soucient pas
et enfin ceux qui les connaissent mais les agrémentent soit d'un peu de
noblesse déchue, soit d'un aventurier parti faire fortune en Amérique du
sud, soit encore d'un artiste à la cour de Louis XIV. Malheureusement,
il ne reste que les bribes d'histoire familiale transmis génération
après génération, rapportés, amplifiés déformés et pour ainsi dire
jamais vérifiés.
Voici
l'un de mes ancêtres dont il ne reste que la photo au dos de laquelle
on peut lire ; "chercheur d'or, disparu en mer"... c'est tout ce que je
sais de lui.
Et
puis un jour, on rencontre celui -ou celle- qui veut savoir et vérifier
que l'histoire familiale telle qu'elle est racontée depuis des
générations est juste et si on peut l'étayer de quelques faits réels
tels des actes de naissance ou de baptême, des titres de propriétés, des
contrats de mariage. Faire coïncider la légende familiale à la réalité
historique.
C'est
là que le travail de la généalogiste peut s'avérer délicat et toucher
des points sensibles. Trois possibilités : soit l'histoire se révèle
juste et effectivement on retrouve l'ancêtre, sa provenance lointaine,
son destin hors du commun, soit on ne trouve rien qui confirme ou qui
infirme, soit génération après génération, la légende disparaît au
profit d'une réalité beaucoup plus banale, moins exotique et parfois
dramatique. On peut rencontrer parmi les ancêtres, des filles-mère et
l'établissement de la filiation se retrouve alors amputée d'une branche ;
alors oui effectivement, toutes les supputations sont possibles quant à
l'origine géographique du père et à son extraction sociale supposée.
La
révélation à la personne de ses origines s'avère un exercice délicat ;
c'est un moment emprunt de beaucoup d'émotion : on lui "présente" ses
ancêtres, on lui raconte son histoire. Mais lorsque les hypothèses ne
sont pas confirmées, on se sent dans la peau d'un "tueur" de légende
familiale, et ce n'est pas forcément gratifiant de mettre un terme à une
histoire orale, transmise de génération en génération.
A
l'inverse, on peut parfois rencontrer un ancêtre dont la vie adulte
tranquille et rangée ne laisse en rien soupçonner une jeunesse
aventureuse, tumultueuse et parfois même héroïque. Ainsi, le grand-père
d'un client qui s'est avéré être un soldat de la 2ème DB : il est décédé
sans jamais avoir raconté à ses enfants et petits enfants tous ses
souvenirs de guerre.
Dans
un autre arbre, un autre grand-père a passé sous silence une enfance
difficile ainsi que l'existence de deux jeunes frères, écartant ainsi de
tout un pan d'une famille, dont les descendants aujourd'hui se
retrouvent et font connaissance.
Ces
périodes tues, ignorées de leurs proches, resurgissent lors de
recherches généalogiques et laissent les descendants dans un
grand désarroi : ils regrettent de ne pas avoir interrogé leurs parents
et grands-parents de leur vivant, sur certaines époques de leur vie, ou
encore sur certains liens.
Alors
profitez des fêtes de famille pour parler, écouter, poser des
questions, sortir les photos, et identifier et faire identifier les
personnes sur les clichés par ceux qui les connaissent et les ont
connues. Partagez, racontez, transmettez, pour vous, pour vos proches,
pour plus tard, pour ne pas oublier.
Bonnes fêtes de fin d'année à tous.
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A lire sur ce sujet : l'excellent Sorj Chalandon
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