Georges Perec est né le 7 mars 1936 à Paris. Il est le fils de Icek Peretz et de Cyrla Szulewicz, juifs polonais immigrés en France. La famille réside à Paris, dans le 19e arrondissement. Cyrla est coiffeuse. Quand la guerre éclate en 1939, Icek s'engage dans l'armée pour combattre les nazis. Il est grièvement blessé en juin 1940, en sautant sur une mine . Il succombera à ses blessures. En 1941, Cyrla décide d'envoyer Georges chez sa tante Esther, alors installée à Villard-de-Lans. En janvier 1943, Cyrla est arrêtée puis déportée à Auschwitz d'où elle ne reviendra pas.
Ce livre devait être à l'origine le troisième volet d'un projet autobiographique, que finalement l'auteur n'a pas mené à bien.
Le récit autobiographique se compose de deux parties : la première relate ses six premières années passées auprès de ses parents et s'achève sur la séparation d'avec sa mère ; la deuxième période s'étend de son arrivée à Villard-de-Lans, en compagnie de son oncle, sa tante et sa cousine jusqu'à la libération. Paradoxalement, assez rapidement, Pérec annonce qu'il n'a pas de souvenirs d'enfance. Pour reconstituer son histoire, il va pour la première partie s'appuyer sur des photos pour retrouver les visages oubliés de ses parents : il va reprendre le témoignage et les anecdotes de ses proches. Il rapporte ce qu'on lui a rapporté. Il devient ce que j'appelle un "travailleur de la mémoire", en utilisant tout ce qui est à sa portée pour reconstituer sa propre histoire. C'est un processus très bien décrit par Boris Cyrulnik (détaillé dans ce billet "généalogie, mémoire et résilience") qui explique que lorsqu'on a un trou à l'origine de son histoire, c'est soit l'angoisse, soit la créativité. L'angoisse comme le vertige du vide, mais la créativité qui donne le gout de l'énigme.
Georges Pérec exprime sa créativité en entremêlant son récit autobiographique d'une fiction, rédigée au moment de son adolescence. Il raconte l'histoire de Gaspard Winckler, de retour de l’île de W, quelque part dans la terre de feu. La première partie de son récit s'intéresse à l'histoire des origines du narrateur, pour s'arrêter brutalement et finalement laisser place dans la deuxième à une description extrêmement méticuleuse de l’île de W, de ses mœurs et de son système terrifiant bâti autour du sport roi, qui reprend tous les éléments des camps de concentration et d'extermination.
Les deux récits s’entremêlent pour finalement devenir indissociable . C'est une véritable quête d'identité pour récupérer ce que "l'histoire avec sa grande hache" lui a volé.
C'est un livre que j'ai lu voila des années. Mais depuis que je travaille et m'interroge sur la généalogie, je lui trouve un écho particulier, dans le fait de vouloir récupérer son histoire familiale. J'ai déjà parlé dans ce blog de ma conception de la généalogie et du métier que j'exerçais. Mais plus j'avance, plus je m'aperçois qu'à travers les demandes des personnes qui viennent me consulter, il y a cette constante quête d'identité, cette profonde interrogation sur la place que l'on occupe au sein d'une famille, d'une génération. Toutes les histoires familiales ne sont pas aussi tragiques que celles de Georges Perec, mais la démarche reste la même. Aller à la recherche de ce qu'on ignore, fouiller parmi des papiers, des photos : faire parler ceux qui ont connu ceux qui ont maintenant disparu. Replacer dans leurs contextes les personnes et les faits, comprendre, chercher à comprendre sans toujours avoir les réponses.
J'ai toujours aimé les livres de Georges Perec et son questionnement de la mémoire notamment dans la litanie de "Je me souviens". Il joue avec les codes de l'autobiographie qu'il contourne et réinvente. Il parvient ainsi, à partir de sa propre expérience à nous toucher et à tendre vers l'universel. Brillant.
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Je vous conseille pour aller plus loin de vous reporter à l'article consacré à ce livre publié sur ce blog ; très intéressant et instructif.
Pour le coté professionnel de Mémoire vive, retrouvez-moi sur le site en cliquant ici .
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